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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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aucune contrepartie de tous les gages que son héroïsme avait acquis. Elle vit sans broncher le pays s’enjuiver, se défaire morceau par morceau, le pouvoir tomber aux mains des hommes les plus débiles et les plus déshonorés. Elle ne fut même pas capable de défendre ses prérogatives et se laissa ôter un par un jusqu’à ses outils de combat. C’est l’exemple le plus étonnant de capitulation morale que puisse nous proposer l’histoire militaire ».
    Les professeurs dicteront à leurs élèves des canevas de ce genre : « Établir un parallèle entre les rôles de l’armée allemande et de l’armée française dans leurs pays respectifs, durant la période de l’entre-deux guerres. »
    On tirerait un voile, en attendant que vînt l’heure des historiens sereins, sur les plaies lamentables de l’armée française, si elle avait su se faire justice, ou tout au moins se faire oublier depuis deux ans comme la décence l’exigeait. Il n’en a malheureusement rien été, bien au contraire. Le militarisme à vide qui s’étale dans la moitié de la France, et les périls intempestifs qu’il nous crée, obligent à de dures précisions.
    Léon Daudet, dans ses charmants Souvenirs, constate avec bonhomie qu’il aurait suffi, à chaque crise de la République, d’un général, voire d’un colonel résolu à un acte d’énergie pour que le régime passât de vie à trépas. C’est au moins vraisemblable, si l’on songe à l’équipée de ce malheureux imbécile de Boulanger qui n’avait pas cinq cents mètres à faire, de la Madeleine à l’Élysée, pour devenir le maître de la France, et qui n’osa pas les faire. Il est sûr, en tout cas, que l’armée française avait épuisé avec ce factieux en mie de pain, tremblant devant une légalité en déroute, aussi vide d’idées qu’un cahier de rapport, ses dernières réserves d’intelligence et de courage civique.
    De l’affaire du Panama au Front Populaire de Blum, en passant par l’affaire Dreyfus, les Fiches, le Cartel des Gauches, le Six-Février, les meilleurs des nationalistes français ont cherché en vain un appui que l’armée, dans l’ordre naturel des choses, devait leur offrir. Ils n’ont jamais reçu de ce côté-là la plus petite espérance. Quand je parle de l’armée, je pense à celle de terre aussi bien que celle de mer, à cette marine où l’on ne comptait plus finalement que des « fascistes », mais des fascistes qui n’auraient jamais prêté un fusilier ou une chaloupe contre un régime haï. Au temps d’Henry, de Mercier, d’André, les nationalistes se firent, pour les beaux yeux de l’armée, casser la tête, jeter en prison. Il fallut un civil, Syveton, pour gifler enfin André, général mouchard et sectaire qui ne s’en était jamais pris qu’à des officiers. L’armée contemplait, talons joints, du haut de ses remparts, les exploits des pékins champions de son honneur. Tout ce que l’on put attendre d’elle, ce furent des falsifications puériles, des suicides absurdes, qui ne manquèrent jamais de tourner au grand dam de la cause française.
    Les nationaux d’espèce bourgeoise possédaient un arsenal de lieux communs pour excuser l’inertie de notre singulière armée. La vérité brute est que cette armée réunissait dans ses mains, jusqu’au 18 juin 1940, tous les instruments pour débarrasser en cinq sec la France de ses destructeurs et de ses bourreaux, et qu’elle les laissa peureusement et bêtement sous clef.
    Lorsqu’on s’en indignait auprès des militaires ou des bonzes à la Maurras, ils répondaient avec un indulgent sourire que nous n’étions pas des Mexicains, des Péruviens, que le « pronunciamento » n’était plus au XX e  siècle qu’une péripétie d’opérette. Mais tandis que les quatre cent mille baïonnettes de la France se relayaient aux guérites du bobinard républicain, la Reichswehr, n’ayant pas cessé un seul jour d’être antijuive et antidémocrate, faisait diligemment la courte échelle à Hitler, assurait le triomphe de ce grand homme en qui elle avait reconnu le libérateur de sa patrie, et savait se mettre à ses ordres, ce qui est encore plus beau. En Espagne, l’admirable général Franco, avec son état-major, tirait résolument l’épée contre la tyrannie rouge et portait le « pronunciamento » du film sud-américain dans la tragédie épique. Il n’est pas jusqu’à un minuscule pays comme le Portugal où les

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