Les Décombres
anglais, je suis porté à croire qu’il avait l’approbation des plus malheureux mineurs de Cardiff tout aussi bien que des baronnets milliardaires. Ce fut pendant longtemps la plus grande force anglaise que cette unanimité sans nuances d’un peuple autour des intérêts les plus sordides de ce pays. N’importe quelle exaction, n’importe quel crime y étaient applaudis, mis sans discussion au rang des exploits nationaux, si les marchands de l’île y trouvaient leur profit. C’est un humus très ferme que ce réalisme et cet immoralisme, qui ont eu leur équivalent dans maintes nations au temps de leur plus grande puissance. L’Angleterre y fondit curieusement son puritanisme, dans un mélange qui stupéfie un esprit latin ou germanique, qui lui apparaît comme le comble de l’hypocrisie.
Mais pour l’Anglais, sitôt qu’il s’agit de l’Angleterre, un départ moral entre la sincérité et l’hypocrisie devient impossible. Il pense, il sent réellement, que tout ce qui peut déranger l’Angleterre est immoral, qu’un peuple qui se permet d’imiter l’Angleterre pour acquérir sans sa permission quelque bénéfice commet un sacrilège. Ce bloc, assez monstrueux pour nous, résiste admirablement à l’analyse anglaise. Cette analyse, d’ailleurs, serait impie. Ce peuple, dont les écrivains ont scruté mieux que personne maintes régions du cœur humain, ne coud pas sans peine les idées entre elles. Cette inaptitude aide beaucoup au calme parfait de la conscience anglaise. C’est une des bizarreries de cette nation, et ce fut, dans son histoire, une de ses meilleures armes.
On peut apprécier sans indulgence la vassalisation, la férocité, le mercantilisme à froid que suppose une telle vue du monde. Il est tard pour s’en indigner. Nos facultés d’indignation ont devant elles trop d’objets positifs et immédiats pour que nous allions les gaspiller vainement. Tout fut dit en temps utile sur l’insupportable Angleterre par Henri Béraud, dans son article historique « Faut-il réduire l’ Angleterre en esclavage ? ». Dequel poids cette magnifique prophétie pesa-t-elle dans les disputes, dans les campagnes d’alors ? Peuh ! Béraud n’avait que du talent, du style, de l’éloquence et de l’imagination. Qu’est-ce que cela, je vous prie, pour un économiste ou un ambassadeur ? Les plus ardents nationaux, eux-mêmes, n’admirèrent qu’en catimini cette fantaisie.
C’est encore une autre forme d’escamotage, chaque fois où les semaines d’août 1939 reviennent sur le tapis, que de tout rejeter sur cette méchante Angleterre. On dirait vraiment que la France était une vierge innocente, dont le pucelage fut écartelé à quatre chevaux de horse-guards, une mineure en tresses que ses vilains tuteurs de Londres ont ruinée, un chaperon rouge qu’ils ont expédié tout seul à la rencontre du grand méchant loup.
Certes, notre asservissement à l’Angleterre fut incomparable. Mais pour faire exécuter ses ukases, pour nous plier à ses exigences et ses vetos, depuis l’élection d’une nouvelle Chambre jusqu’à la pêche au hareng, il fallait bien qu’elle eût chez nous ses grooms, ses intendants, ses commissionnaires, ses espions, ses maquereaux, ses serfs de tout acabit. C’est cette valetaille que nous devons d’abord mépriser, puis chasser et punir.
Nous pouvons donc laisser aux amateurs de polémique dans le vide les diatribes vengeresses, qui ne réduiront pas d’une bombe les exploits de la Royal Air Force sur les villes et les villages français. Mais il serait regrettable, chaque fois qu’on en a l’occasion, de ne pas dire son mot sur la merveilleuse stupidité des Anglais. C’est un monument dont on n’a pas fini de faire le tour. On peut même affirmer qu’il y faudra plusieurs années.
C’est ici qu’intervient le virus filtrant du judaïsme. À quel point a-t-il été déterminant dans le gâtisme d’Outre-Manche ? Les documents nous manquent encore pour le préciser. Mais nous avons devant les yeux les résultats du métissage entre le venimeux messianisme d’Israël et l’imperturbable mercantilisme anglais. Le phénomène est beau.
L’Angleterre de ces vingt dernières années alignera la plus belle galerie de bustes imbéciles qui soient jamais offerts à l’admiration des historiens. A-militaire, incapable de se mesurer seule avec un ennemi, répugnant en grande bourgeoise aux contraintes de la caserne obligatoire, elle
Weitere Kostenlose Bücher