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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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croiseurs, de torpilleurs, démolis presque tous dans des circonstances plutôt fâcheuses pour la tradition de Nelson. L’expédition de Norvège, Dunkerque où les marins français durent prendre bravement tout sur leur dos, le franchissement du Channel par les croiseurs allemands, les campagnes du Pacifique et de l’Océan Indien, sont autant d’exploits à rebours pour l’Union Jack.
    Les généraux anglais ne se font une notoriété que par le nombre de revers qui leur pendent aux basques comme autant de désobligeantes casseroles. Le soldat anglais de métier, le troupier à la Kipling, lorsqu’on daigne le mettre en ligne, est sans doute plein de courage. Mais le commandement est d’une imposante nullité. Cette nation est encore plus rebelle aux règles de la guerre qu’à la musique, ce qui n’est pas peu dire. On ne connaît rien qui soit plus bêtement hasardeux, mais sans audace véritable, plus décousu que ses rares entreprises : des campagnes de publicité, improvisées maladroitement sur les injonctions de civils ignares, sans aucun but stratégique, sans aucune utilité pour le résultat final. Ce serait à croire que dans l’anglolâtrie de la France, nos généraux s’étaient mis à l’école de ces messieurs d’Angleterre, d’où leurs éblouissants succès. Les offensives de Libye, lorsqu’on en saura par le menu l’historique, formeront le plus succulent raccourci de cette guerre entre les Anglais et les Allemands ; d’un côté des joueurs de cricket, des amateurs écervelés, gauches, mous, sans persévérance, de l’autre, vrai type de légende avec son cache-poussière, ses jumelles, ses tartines qu’il mange sur le pouce parmi ses troupiers, patrouillant dans son auto-chenille jusqu’aux avant-gardes, se battant à un contre quatre, rusant, leste, infatigable, trouvant une parade à tout, le guerrier, l’étonnant Rommel, le premier peut-être des généraux allemands.
    Il faut que cette nation ait les artères étrangement racornies pour ne pas avoir senti depuis plus de deux ans la nécessité pour elle de traiter, alors que tant d’occasions lui en étaient offertes. Mais c’est l’antique et sourde châtelaine qui refuse de vendre la ferme pour réparer le manoir dont le toit va lui tomber sur la tête. Son empire dégringole par pans immenses, elle est incapable de défendre le reste, ses esclaves ont été battus un par un, le continent devant elle est à ses ennemis. Mais elle ne lâchera pas un gramme d’or, pas une once de caoutchouc, pas une goutte de pétrole, pas un caillou de ses déserts pour conjurer le désastre. Le Japonais était aux portes des Indes en rumeur qu’elle n’avait encore pu se résigner à y jeter du lest. Au milieu même de sa déchéance, imperturbable, elle continue à escroquer ses amis anciens ou présents, à voler la France, à s’assurer quelque priorité sur elle, quelque comptoir, pour le doux temps où le commerce refleurira. C’est un Harpagon ramassant machinalement des sous et calculant une nouvelle usure durant qu’il agonise.
    Churchill, vieux bouledogue imbibé de whisky, recommence inlassablement ses Dardanelles, sans corriger même un détail de ses plus grossières erreurs. Au contraire, à chaque nouvelle loufoquerie, elles s’aggravent. Dix, vingt, trente expériences n’ont rien appris à ce peuple surprenant. Les mêmes bourdes, trois ou quatre, pas plus, servent indéfiniment au réconfort de son âme : le blocus, arme décisive, l’ennemi s’épuisant dans ses conquêtes, l’Angleterre perdant toutes les batailles, mais gagnant la dernière.
    Il y a en France des messieurs importants, et ce qui est encore plus singulier une foule de jeunes gens à parapluies et chapeaux « Piccadilly » pour admirer en termes lyriques cette ténacité de John Bull. Ils feraient mieux d’y voir une obnubilation sénile de l’entendement. Cette ténacité britannique ne se traduit par aucun acte. Les Anglais sont barricadés dans un orgueil passif. Ils peuvent bien, fermés ainsi à tout, se refuser à la pensée d’une défaite anglaise. Mais cette défaite n’en est pas moins acquise déjà, quelle que soit l’issue de la guerre. L’Extrême-Orient tout entier est arraché à la Couronne, l’Australie, digne pendant de la Métropole égoïste, avec ses six millions de lascars installés sur un continent capable de nourrir cent millions d’êtres, refusant d’en partager la moindre bribe, aussi

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