Les derniers jours de Jules Cesar
lit. « Si
Publius Sextius est parti aussi rapidement et a lancé d’autres messagers, c’est
parce qu’il veut empêcher ce qui va s’accomplir. Notre bataille est une
bataille contre le temps. Si nous arrivons les premiers, nous vivrons. Si nous
arrivons les seconds, nous mourrons, et avec nous mourra la liberté de la
République.
— Laisse tomber la liberté de la République. Je te
connais ! Suis-moi si tu le peux. »
L’homme quitta la chambre et se dirigea vers le péristyle.
Mustela lui emboîta le pas non sans peine en s’appuyant contre le mur. Ils
pénétrèrent dans une pièce, de l’autre côté du jardin intérieur : le
cabinet du maître de maison. Celui-ci ouvrit un meuble d’où il tira un rouleau
qu’il étala sur la table. C’était un plan sommaire des routes reliant Rome à la
Cisalpine.
« Puisqu’ils sont si pressés, ils utiliseront des
raccourcis. Il ne sera donc pas impossible de les intercepter…, dit-il, le
doigt pointé sur les lignes noires qui symbolisaient les routes consulaires.
Ici, sur la via Cassia… sur la via Flaminia. De plus, il est possible qu’ils
soient retardés, comme les messagers que j’attends : il fait un temps de
chien sur les montagnes et plusieurs passages sont bloqués par la neige.
Mustela, as-tu vu d’autres hommes, en dehors de Publius Sextius ?
— Oui. Un grand type robuste, à la barbe grise, aux
mains énormes, semblables à des pattes d’ours, dont les sourcils se rejoignent
au-dessus de son nez.
— Bon. Et puis ? Donne-moi au moins quelques
indices.
— Et comment ? Je n’en ai pas la moindre idée. Je
pense qu’il doit y avoir deux ou trois messagers, peut-être plus. De toute
façon, s’ils utilisent les routes principales, tout du moins à la fin de leur
parcours, ils devront donner des garanties ou déposer de fortes sommes aux
aubergistes pour obtenir des chevaux frais.
— Ils ne seront pas les seuls. Nous risquons de faire
tuer d’autres individus, par exemple des commerçants.
— C’est un risque que nous devons courir. Et puis ces
hommes ont une caractéristique.
— Laquelle ?
— La hâte. Une hâte folle. Personne ne peut être aussi
pressé qu’eux. C’est à leur hâte qu’on les reconnaîtra.
— Je pourrais envoyer des signaux lumineux…
— Non, trop élémentaire. Il ne vaut mieux pas, je les
connais. Ce sont des espions, des membres de l’organisation et, si je suis ici,
ils sont encore dans la montagne, d’où ils pourraient voir des signaux.
— Tu as raison. Alors séparons-nous.
— Je prends la vieille piste étrusque, déclara Mustela.
— Nous, les autres. »
Mustela se rendit compte que son hôte ne lui avait pas dit
son nom. C’était conforme aux règles. Mais les trophées qui ornaient les murs
et la panoplie qu’on voyait dans un coin laissaient entendre qu’il s’agissait
d’un vétéran de Pompée. Il s’était sans doute battu à Pharsale. Il comptait au
nombre de ces durs qui n’avaient jamais capitulé ni imploré le pardon de
personne. Il était certainement en contact avec les partisans de Pompée en
fuite. Il ferait tout son possible pour bloquer la course des messagers vers
Rome.
« J’ai besoin d’un cheval.
— Tu en auras un dans quelques instants, répondit
l’officier. Mais es-tu sûr de vouloir partir ? Tu as perdu du sang. Tu es
en piteux état, et les points de suture risquent de lâcher.
— J’ai un contrat à respecter. Si j’y parviens, je
pourrai prendre ma retraite. J’ai passé l’âge de faire autant d’efforts. Mais tu
as raison, pour ce qui est du cheval. Donne-moi plutôt un véhicule léger tiré
par un attelage à deux, quelques provisions et des couvertures.
— Comme tu veux. »
Les deux hommes gagnèrent l’écurie, où Mustela choisit deux
animaux robustes qu’on attela à une voiture. Il monta à bord tandis qu’un
domestique apportait ce qu’il avait réclamé.
« Quelle route prendras-tu ? interrogea son hôte.
— J’irai vers la via Cassia, mais je pourrais aussi
décider, en chemin, de suivre mon flair. C’est la raison pour laquelle on
m’appelle Mustela. »
Il poussa les chevaux d’un coup de rênes sur la croupe et
lança : « Dis-moi, pourquoi le surnomme-t-on “le Bâton” ?
— Publius Sextius ? répliqua l’officier avec un
ricanement. Je te souhaite de ne pas avoir à le découvrir toi-même.
— Dépêche tes hommes sur-le-champ, il n’y a pas un
instant
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