Les derniers jours de Jules Cesar
sera là, lui aussi : il a été gouverneur
de l’Asie et il connaît bien les services logistiques dans cette région. Et
puis Decimus Brutus, qui a de l’expérience comme chef de la cavalerie et qui a
prouvé qu’il s’en tirait très bien, y compris aux commandes de la flotte. Il
est encore jeune, versatile, malléable. César l’estime, il s’est même attaché à
lui. Sa contribution en Gaule a été plus d’une fois décisive. Le général
n’oublie pas certaines choses, il sait comment rembourser ses dettes. Mais il
ne s’agit pas seulement de rendre honneur aux méritants. César croit en
l’amitié, il est capable de sentiments profonds.
— Je sais. Il a attribué la préture à Decimus Brutus
qui sera, l’année prochaine, gouverneur de la Cisalpine.
— Il semble que la réunion de ce soir soit consacrée à
une éventuelle campagne contre les Parthes. César détient maintenant une carte,
transmise par Publius Sextius, qui lui permet de bâtir des plans pour
l’invasion. C’est toutefois une autre raison qui m’amène ici. Je voulais savoir
si tu as obtenu des nouvelles de ton informateur chez Brutus.
— Hélas, non. Mais j’espère qu’il se montrera vite. Si
nous détenions des renseignements détaillés, nous pourrions agir immédiatement
en avertissant César. Même si l’absence de preuves risque de le pousser à la
prudence.
— Il se peut que les noms soient accompagnés de
preuves. Les coïncidences insolites constituent une preuve suffisante.
— Nous pouvons toujours espérer que Servilia lui aura
donné la possibilité de se défendre.
— Je l’espère, dit Silius. Depuis un certain temps,
César ne dispose plus de sa garde hispanique.
— Ce n’est pas possible !
— C’est la vérité. Il a prétendu devant moi qu’il ne
voulait pas passer pour un tyran. Seuls les tyrans ont besoin de gardes du
corps.
— Quelle absurdité ! Veut-il donc mourir ?
N’importe quel fanatique, n’importe quel déséquilibré ayant envie de marquer
les mémoires pourrait le tuer.
— D’après moi, il a fait un pari avec lui-même. Il veut
prouver que sa clémence, la générosité dont il a fait preuve envers tous le
mettent à l’abri des risques. Qu’il peut se déplacer dans Rome comme n’importe
quel citoyen sans avoir à se protéger, que sa garnison, sa garde, n’est autre
que le peuple et peut-être le sénat de Rome qu’il a juré de défendre au prix de
son sang.
— Il ne peut pas être aussi naïf !
— Ce n’est pas de la naïveté, Antistius. Seul un grand
peut défier la mort avec autant d’insouciance. »
Sans attendre, Silius se leva et se dirigea vers la sortie.
« Restons en contact, lui lança le médecin. Si tu le
peux, dis-moi qui prenait part à la réunion ce soir et qui ne s’est pas
présenté. »
L’aide de camp acquiesça avant de s’éloigner.
Romae,
in aedibus Bruti, a.d. III Id. Mart.,
hora
duodecima
Rome,
demeure de Brutus, 13 mars,
cinq
heures de l’après-midi
Artémidore avait consacré une journée à ranger la
bibliothèque sans grands résultats. Il était persuadé qu’on y avait mis du
désordre délibérément et il savait, face à une telle absurdité, qu’il ne devait
pas demander d’explications, juste obéir. C’était peut-être un supplice
semblable à celui de Sisyphe qui lui était réservé : une fois en ordre, la
bibliothèque serait de nouveau bouleversée, et il serait obligé de recommencer
de zéro. Cette mise en scène ne pouvait avoir qu’une signification :
l’occuper et le distraire. Mais de quelles activités voulait-on le
détourner ? Cette pensée le terrifiait, cependant il n’osait pas réagir,
donner l’impression d’être troublé ou effrayé : la moindre initiative
risquait, en effet, d’aggraver la situation. Il fit appel à toute sa lucidité
et se dit qu’on n’aurait jamais inventé pareil expédient dans le but de lui
nuire. Nul doute, l’auteur de cette mise en scène entendait lui livrer un
message clair et précis : si tu obéis, tu n’auras pas d’ennuis. Il ne
voyait pas d’autre explication possible : la veille, il avait laissé la
bibliothèque parfaitement en ordre. Il souhaita presque la retrouver en
désordre le lendemain afin d’obtenir une confirmation de son hypothèse.
Tandis qu’il réfléchissait, le garçon qui devait lui livrer
une information entra dans la pièce. Il jeta un regard circulaire et
interrogea,
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