Les derniers jours de Jules Cesar
été
incapable de dire quand il avait dormi tout son soûl pour la dernière fois,
quand il avait mangé un repas normal, assis à une table, devant une cruche de
vin. Il lui fallait galoper, galoper encore, épuiser un cheval après l’autre,
sans jamais céder, sans reprendre haleine. Mais il réussirait. Il était Publius
Sextius, centurion de première ligne, surnommé « le Bâton ».
L’aigle est en danger.
Tel était le message à transmettre, à se remémorer sans
cesse.
Il atteignit, éreinté, une auberge à l’entrée d’une ruelle
autour de laquelle se pressaient une dizaine de maisonnettes en pierre et terre
cuite, entourées d’enclos renfermant des brebis et des chèvres. L’auberge
servait de base aux voyageurs et aux messagers de l’État.
Le patron, un sexagénaire robuste et corpulent, avait une
chevelure clairsemée et ramenée en arrière, des épaules plus larges que son
ventre, ce qui était rare dans sa profession.
« Je suis un centurion, déclara Publius en exhibant le titulus qu’il portait à son cou. Je cherche un homme qui s’est sauvé d’une mansio dans la montagne sans payer sa note. Surtout, en soulageant bon nombre de
clients de leur argent, et le palefrenier d’un cheval. Un type à la tête de
fouine ou de rat, comme tu préfères, à la lèvre ourlée de poils blonds, aux
cheveux couleur de l’étoupe. Il porte une cape grise, jour et nuit. L’aurais-tu
vu ?
— Oui. Ton homme est passé par ici.
— Où est-il ?
— Il est parti.
— Vers où ? »
L’aubergiste hésita. Ses informations ne correspondaient pas
avec celles de Publius Sextius.
« Quelque chose ne va pas ? interrogea ce dernier.
— Je trouve étrange qu’un voleur de bourses et de
chevaux ait choisi un poste de signalement. Car c’est là qu’il s’est rendu.
Mais il reviendra. Je lui ai donné un cheval plus vaillant que le sien et il
m’a laissé en gage tout son argent.
— Je connais cet endroit, ce n’est pas très loin.
Apporte-moi une cruche de vin, du pain et un bout de fromage. Il faut que je
mange. Donne un peu d’orge à mon cheval. Il l’a mérité. »
L’aubergiste s’exécuta avec empressement, content que
l’affaire se soit résolue sans trop l’impliquer, tout au moins pour le moment.
In
Monte Appennino, statio Vox in silentio,
a.d.
III Id. Mart., secunda vigilia
Monts
de l’Apennin, poste « Voix dans le silence », 13 mars
deuxième
tour de garde, onze heures du soir
Le poste, perché sur la crête des monts, était situé de
façon à pouvoir capter des signaux d’un versant comme de l’autre, de l’ouest
comme de l’est. Trois hommes étaient de service vers la fin du deuxième tour de
garde : deux à couvert et un sur une tour de guet. La tramontane
soufflait, l’homme qui se tenait sur l’observatoire entra en tapant des pieds
sur le sol. Il était blême et claquait des dents. « Il y a un code de
priorité, dit-il. Ce message concerne la sécurité publique.
— De quoi s’agit-il ? interrogea un de ses deux
compagnons.
— Il faut intercepter deux messagers qui se dirigent
vers le sud, équipés comme des speculatores , des éclaireurs.
— Que signifie “intercepter” ? demanda le
troisième.
— Arrêter, je suppose, répondit le soldat, secoué de
frissons.
— Et s’ils refusent ? »
L’homme passa un doigt sur son cou, d’une oreille à l’autre,
en un geste éloquent. « C’est le seul moyen. »
Mansio
ad Vicum, a.d. III Id. Mart., tertia vigilia
Relais Au
village, 13 mars, troisième tour de garde, minuit
La pierre milliaire indiquait le sixième mille depuis
Chiusi. Mustela pénétra dans la cour de la mansio, attacha son cheval et
se dirigea vers son logis. Il ouvrit la porte et la referma derrière lui. Il
était épuisé. Il releva la mèche de sa lampe, sur le point de s’éteindre.
« Salut », dit une voix dans le noir.
Mustela dégaina son épée.
« De toute évidence, mon heure n’était pas venue,
ajouta Publius Sextius. Ou, si tu préfères, seuls les morts ne reviennent pas,
et je ne suis pas mort, comme tu peux le constater. Tu as pris ton temps
puisque j’étais hors de combat, et je t’ai dupé. »
Mustela se rua vers le centurion. Mais celui-ci était prêt.
Il para l’attaque à l’aide de son glaive et, d’un terrible coup du tranchant,
fit voler dans les airs l’arme de son adversaire. Il le frappa ensuite en
pleine
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