Les Derniers Jours de Pompéi
accusateur. »
Les yeux de la foule suivirent le geste de l’Égyptien, et chacun vit avec un indicible effroi une immense vapeur qui s’élevait des sommets du Vésuve sous la forme d’un pin gigantesque {91} au tronc noir, aux branches en feu, et la teinte de ce feu variant à tout moment ; tantôt lumineux à l’excès, tantôt d’un rouge sombre et mourant, qui se ravivait un instant après avec un éclat que l’œil ne pouvait supporter.
Il se fit un silence de mort, un silence effrayant, interrompu tout à coup par le rugissement du lion, auquel répondit derrière l’amphithéâtre le rugissement plus aigu et plus féroce de son compagnon de captivité ! C’étaient deux sinistres interprètes de la pesanteur de l’atmosphère ; le tigre et le lion semblaient les prophètes de la colère du ciel.
Alors on entendit sur le haut des gradins les cris des femmes : les hommes se regardaient les uns les autres, muets. En ce moment ils sentirent trembler la terre sous leurs pieds. Les murs du théâtre vacillèrent ; et à quelque distance, les toits des maisons se heurtèrent et s’écroulèrent avec fracas ; le nuage de la montagne, sombre et rapide comme un torrent, parut rouler vers eux, et lança de son sein une pluie de cendres mêlée de fragments de pierres brûlantes. Sur les vignes abattues, sur les rues désolées, sur l’amphithéâtre lui-même, au loin et au large, et jusque dans les flots de la mer qu’elle agita, s’étendit cette pluie terrible !…
L’assemblée ne s’occupa pas davantage de la justice ni d’Arbacès… la seule pensée de chacun était sa propre sûreté… ils voulurent fuir, se pressant, se poussant, s’écrasant les uns les autres, marchant sans pitié sur celui qui était tombé ; au milieu des plaintes, des jurements, des prières, des cris soudains, cette foule énorme se précipita dans les nombreux vomitoires de l’amphithéâtre : mais où fuir ? Quelques-unes, prévoyant un second tremblement de terre, se hâtaient de reprendre le chemin de leurs maisons, afin de se charger de leurs objets les plus précieux, et de chercher leur salut dans la fuite, pendant qu’il en était encore temps ; d’autres, craignant cette pluie de cendres qui tombait par torrents dans les rues, cherchaient un abri sous le toit des maisons prochaines, dans les temples, dans tous les lieux qui pouvaient les protéger contre les airs, mais les nuages succédaient aux nuages, et l’obscurité devenait de plus en plus sombre. C’était une nuit soudaine, une nuit effrayante qui s’emparait du milieu du jour.
Chapitre 5
La cellule du prisonnier et la cellule des morts – La douleur reste insensible à l’horreur
Encore étonné du délai qu’on lui avait accordé, doutant s’il était éveillé, Glaucus avait été conduit par les gardes de l’arène dans une petite cellule intérieure du théâtre. Ils jetèrent une large robe sur son corps, et le félicitèrent de ce merveilleux sursis. Un cri d’empressement et d’impatience retentit au dehors de la cellule ; la foule livra passage à une jeune fille, qui, conduite par une main charitable, entra et se jeta aux pieds de Glaucus.
« C’est moi qui l’ai sauvé, s’écria-t-elle d’une voix oppressée ; maintenant je peux mourir.
– Nydia, mon enfant, ma protectrice.
– Oh ! laisse-moi toucher ta main… sentir ton haleine… oui, oui, tu vis… nous ne sommes pas arrivés trop tard… cette porte fatale, j’ai cru qu’elle ne céderait jamais… Calénus… ah ! sa voix était celle du vent qui expire sur des tombes… il a fallu attendre… ô dieux !… il me semblait que des heures s’écoulaient avant que le vin et la nourriture lui eussent rendu quelque force… Mais tu vis, tu vis, et moi je t’ai sauvé… »
Cette scène touchante fut interrompue par l’événement que nous venons de décrire.
La montagne, le tremblement de terre… tels étaient les cris qui résonnaient de tous les côtés… les gardes s’enfuirent comme les autres… ils laissèrent Glaucus et Nydia pour se sauver comme ils purent. Quand l’Athénien comprit le danger qui les menaçait, son cœur généreux songea à Olynthus. Lui aussi, il était délivré du tigre par la main des dieux ; devait-il être abandonné à une mort aussi fatale que l’autre, dans sa cellule voisine ? Prenant Nydia par la main, Glaucus traversa les passages ; il arriva à la prison du chrétien ; il trouva
Weitere Kostenlose Bücher