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Les Derniers Jours de Pompéi

Les Derniers Jours de Pompéi

Titel: Les Derniers Jours de Pompéi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sir Edward George Bulwer Lytton
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Derrière les boutiques des changeurs de monnaie se trouvait l’édifice qu’on appelle maintenant le Panthéon ; une multitude de pauvres Pompéiens traversaient, leurs paniers sous le bras, le petit vestibule qui conduisait à l’intérieur, pour se rendre à la plate-forme placée entre les deux colonnes : c’était là que se vendaient les viandes soustraites par les prêtres aux sacrifices.
    Des ouvriers travaillaient aux colonnes de l’un des édifices publics appropriés aux affaires de la cité ; on entendait le bruit que faisaient éclater par moments les rumeurs de la foule. Les colonnes sont restées jusqu’à ce jour sans avoir été terminées. En résumé, rien ne pouvait surpasser en variété les costumes, les rangs, les manières, les occupations de cette multitude ; rien ne pouvait surpasser le désordre, la gaieté, l’animation, le flux et le reflux de la vie qui régnait à l’entour. Vous aviez sous les yeux les mille indices d’une civilisation bouillante et fiévreuse, où le plaisir et le commerce, l’oisiveté et le travail, l’avarice et l’ambition, confondaient dans un même golfe leurs flots bigarrés, impétueux, mais dont le cours ne manquait pas d’harmonie.
    Devant les degrés du temple de Jupiter, un homme d’environ cinquante ans se tenait les bras croisés, en fronçant les sourcils d’un air méprisant. Son costume était des plus simples, moins pourtant en raison de l’étoffe qui les composait, qu’à cause de l’absence des ornements dont les Pompéiens de toutes classes avaient l’habitude d’user, soit par ostentation, soit parce qu’ils offraient en général les formes que l’on considérait comme les plus efficaces pour résister aux attaques de la magie et à l’influence du mauvais œil {42}  ! Son front était élevé et chauve ; le peu de cheveux qui lui restaient derrière la tête étaient cachés par une sorte de capuchon qui faisait partie de son manteau, et qui pouvait se baisser et se relever à volonté. En ce moment, sa tête recouverte à moitié était ainsi défendue contre les ardeurs du soleil. La couleur de ses vêtements était brune, couleur peu estimée des Pompéiens ; il semblait avoir évité avec soin tout mélange de pourpre et d’écarlate. Sa ceinture contenait un pli pour renfermer un encrier attaché par un crochet, ainsi qu’un style et des tablettes d’une certaine grandeur. Ce qu’il y avait de plus remarquable, c’était l’absence de toute bourse, quoique la bourse formât une partie indispensable de la ceinture, même lorsque la bourse avait le malheur d’être vide.
    Il n’était pas ordinaire aux gais et égoïstes habitants de Pompéi de s’occuper à observer le maintien ou les actions de leurs voisins ; mais la bouche et les yeux de cet homme manifestaient une expression si amère et si dédaigneuse, pendant que la procession religieuse montait des degrés du temple, qu’il ne pouvait manquer d’attirer l’attention de beaucoup de personnes.
    « Quel est donc ce cynique ? demanda un marchand à un joaillier son confrère.
    – C’est Olynthus, répondit le joaillier. Il passe pour un Nazaréen. »
    Le marchand frissonna.
    « Secte terrible ! reprit-il d’une voix basse et tremblante. On dit que, lorsqu’ils s’assemblent la nuit, ils commencent toujours leurs cérémonies par le meurtre d’un enfant nouveau-né ; ils professent la communauté des biens ! Que deviendraient les marchands, les joailliers, si de pareilles idées prenaient consistance ?
    – Cela est bien vrai, dit le joaillier, d’autant qu’ils ne portent pas de bijoux ; ils poussent des imprécations lorsqu’ils voient un serpent, et tous nos ornements à Pompéi ont la forme du serpent.
    – Faites-moi le plaisir de remarquer, ajouta un troisième interlocuteur, qui était fabricant de bronzes, comme ce Nazaréen secoue la tête avec pitié en voyant passer la procession. Il murmure quelque chose contre le temple, cela est sûr. Savez-vous, Célénus, que cet homme, passant devant ma boutique l’autre jour, et me voyant occupé à travailler une statue de Minerve, me dit, avec un froncement de sourcil, que si elle avait été de marbre, il l’aurait brisée, mais que le bronze était trop dur pour lui ? « Briser une déesse ! m’écriai-je. – Une déesse ! répondit l’athée : c’est un démon, un malin esprit. » Il passa alors son chemin en maudissant les dieux. Cela peut-il se tolérer ?

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