Les Dieux S'amusent
d’attention ;
Ariane, au contraire, que Thésée avait à peine regardée, tomba follement
amoureuse de lui. À la fin du dîner, Ariane avait secrètement décidé de tout
faire pour sauver Thésée de la mort. Pendant la nuit, elle se rendit chez l’architecte
Dédale et le supplia de lui remettre les plans du Labyrinthe.
— Je ne les ai plus, lui répondit Dédale, mais je
connais un autre moyen de retrouver la sortie.
Et il lui confia ce secret.
Le lendemain, à l’aube, Ariane entrait dans la chambre de
Thésée, qui, encore endormi, rêvait de Phèdre. Elle le réveilla :
— Je suis prête, lui dit-elle, à te donner le moyen de
sortir du Labyrinthe, à condition que tu me promettes de m’emmener avec toi à
Athènes et de m’y épouser.
Thésée, qui n’avait guère le choix, accepta cette offre et Ariane
lui expliqua ce qu’il devait faire :
— Voici une grosse pelote de fil. En entrant dans le
Labyrinthe, attache un bout du fil à la grille d’entrée et laisse ensuite se
dérouler la pelote pendant tout ton trajet. Il te suffira, pour retrouver ton
chemin, de suivre le fil en sens inverse.
Thésée fît ce qu’Ariane lui avait conseillé. Après avoir
longtemps erré dans le Labyrinthe, il découvrit le Minotaure, le tua et revint
sain et sauf à la grille, avec ses treize compagnons. Ariane les y attendait, et
c’est avec elle qu’ils s’embarquèrent aussitôt sur leur navire.
Évasion de Dédale et d’Icare
Lorsqu’il s’aperçut de la fuite de Thésée et de l’enlèvement
d’Ariane, Minos fit mener une enquête qui lui révéla la complicité de Dédale. Pour
le punir, Minos enferma Dédale, avec son fils Icare, dans son propre Labyrinthe,
après s’être assuré d’abord, par une fouille minutieuse, que ni le père ni le
fils ne portaient sur eux une pelote de fil. En cette circonstance, Dédale
montra qu’il était aussi bon ingénieur qu’architecte.
— La voie terrestre nous est fermée, dit-il à son fils
Icare, mais la voie aérienne nous reste ouverte.
Précurseur de l’aviation, il construisit deux paires d’ailes
articulées, qu’il fixa respectivement sur ses épaules et sur celles de son fils
à l’aide de cire d’abeille. Après quelques exercices d’entraînement, le père et
le fils prirent leur vol, s’élevèrent au-dessus du Labyrinthe et, sortant de l’espace
aérien crétois, se dirigèrent, au-dessus des flots bleus de la Méditerranée, vers
la Grèce.
Dédale avait recommandé à son fils de ne pas voler trop haut.
Mais Icare, grisé par le plaisir et par l’orgueil, se prit bientôt pour un
aigle et voulut aller voir de plus près le char d’Apollon. Il s’en approcha
tant que les rayons du soleil firent fondre la cire qui retenait ses ailes et
que le malheureux Icare tomba comme une pierre et se noya. Son père, désespéré
mais impuissant, poursuivit son vol jusqu’en Sicile.
L’abandon d’Ariane
Pendant ce temps, Thésée voguait vers Athènes. Depuis leur
départ de Crète, Ariane lui manifestait un amour ardent, exclusif et, disons-le,
pesant. Thésée, au contraire, n’éprouvait à son égard qu’une froide
reconnaissance, sentiment qui se transforme facilement en irritation, puis en
ingratitude, enfin en rancune. Thésée avait beau être un héros, il n’était pas
un saint. Il était capable de grandes actions, mais aussi de petites bassesses.
Il finit par décider de se séparer d’Ariane, mais, comme il n’avait pas le
courage de le lui dire en face, il fit ce que font certains propriétaires de
chiens, qui abandonnent lâchement leur compagnon fidèle au cours d’une
promenade en forêt de Fontainebleau. Thésée, lui, profita d’une escale dans l’île
de Naxos. Pendant qu’Ariane dormait, il se leva silencieusement, rejoignit son
navire et mit les voiles. Lorsque Ariane se réveilla, Thésée était loin.
« No hay mal quepor bien no venga » [2] ,
disent les Espagnols.
Après avoir erré quelques jours en sanglotant dans les bois
de Naxos, Ariane rencontra le dieu Bacchus qui s’y trouvait. Il lui offrit du
vin, la consola, s’éprit d’elle et l’épousa. En troquant un héros contre un
dieu, elle n’avait pas perdu au change.
Mort d’Égée
Thésée, cependant, approchait des côtes d’Athènes. Il avait
eu tant de problèmes et de soucis, depuis son départ de Crète, qu’il avait
complètement oublié de changer les voiles de son navire, comme son père le lui
avait
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