Les Dieux S'amusent

le
terrasser et à lui faire toucher la terre des épaules, Antée retrouvait
instantanément, au contact de sa mère, des forces nouvelles. Hercule résolut de
débarrasser le pays de ce brigand. Acceptant son défi, il engagea la lutte avec
lui. À trois reprises, il crut l’avoir étendu au sol pour de bon. Chaque fois, il
vit avec étonnement Antée se relever plus fort qu’avant. Comprenant que son
adversaire tirait sa vigueur du contact avec la terre, Hercule l’étreignit
alors entre ses bras, le souleva du sol et l’étouffa. Il ne le laissa retomber
que lorsqu’il fut certain de sa mort.
    Neptune prit fort mal la mort de son fils Antée. Il aurait
bien voulu punir Hercule séance tenante, mais il craignit, en agissant ainsi, de
s’attirer le courroux de Jupiter, dont l’affection paternelle pour Hercule
était bien connue des autres dieux. Neptune décida donc d’attendre une occasion
propice et de se venger alors par personne interposée. Il savait que ni les
hommes, ni les bêtes, ni les monstres, ni les dieux ne pouvaient vaincre
Hercule. Mais il lui restait un espoir : les femmes. Et ce furent elles, en
effet, qui causèrent la perte du héros.

Le second mariage d’Hercule
    Le premier mariage d’Hercule, avec Mégarée, s’était terminé
tragiquement. Hercule s’était juré alors de rester célibataire. Mais il avait
la mémoire courte et, quelque temps après sa victoire sur Antée, il tomba
amoureux d’une jeune fille nommée Déjanire. Après avoir éliminé par la force
quelques autres prétendants de Déjanire, il l’épousa.
    Au cours de leur voyage de noces, Hercule et Déjanire furent
amenés à traverser un fleuve large et profond. Comme il n’y avait pas de pont
ni de gué, c’était un Centaure, appelé Nessus, qui faisait fonction de passeur.
Il prenait les voyageurs sur son dos et les transportait à la nage sur l’autre
rive.
    Hercule, sans méfiance, lui confie Déjanire. Parvenu de l’autre
côté du fleuve, le Centaure Nessus, qui avait des instincts de satyre, tente
brusquement d’embrasser Déjanire qui se met à pousser des cris de frayeur. De
la rive opposée, Hercule voit la scène. Saisissant son arc, il tire l’une de
ses flèches empoisonnées sur le Centaure et le blesse mortellement. Avant de
mourir, Nessus, inspiré sans le savoir par Neptune lui-même, a le temps de
murmurer quelques mots à Déjanire :
    — Pour me faire pardonner mon ignoble agression, je
vais te rendre un grand service. Prends dans un flacon quelques gouttes de mon
sang. C’est un élixir d’amour qui te permettra, en cas de besoin, de
reconquérir l’affection de ton mari. Il te suffira, pour cela, de verser le
contenu du flacon sur un vêtement quelconque et de faire porter ce vêtement par
Hercule.
    Déjanire, qui connaissait la frivolité d’Hercule, se dit que
le conseil de Nessus lui serait peut-être utile un jour ; elle remplit le
flacon et le cacha dans ses bagages.
    Pendant ce temps, pareil à Tarzan, Hercule s’était jeté à l’eau
et, d’une brasse puissante, avait traversé le fleuve pour rejoindre son épouse.
Le reste du voyage de noces se déroula sans incident. Les deux époux s’installèrent
dans une grande maison, quelque part en Béotie, et y passèrent des mois
paisibles.
    Puis le démon de l’aventure s’empara à nouveau d’Hercule. Après
avoir promis à Déjanire qu’il serait bientôt de retour, il partit pour de
nouveaux exploits. Un soir, se trouvant dans une auberge, il s’enivra, chercha
querelle à un jeune homme qui ne lui avait rien fait et le tua. Cette fois, Jupiter
se fâcha et jugea que son fils avait besoin d’une nouvelle leçon. II lui imposa
d’aller se mettre au service d’une jeune reine nommée Omphale, qui, comme
naguère Eurysthée, pourrait lui imposer les épreuves de son choix.
    Omphale était une femme sadique et perverse. Elle trouvait
du plaisir à humilier les gens. Connaissant la réputation de virilité d’Hercule,
elle l’obligea à se vêtir en femme, à porter des bijoux, à se livrer à des
travaux ménagers, à filer la laine et à tisser des étoffes. Docile, Hercule se
soumit à tous les caprices d’Omphale pendant un an, jusqu’à ce que Jupiter lui
eût pardonné. Joyeux, il se mit alors en route pour rejoindre son épouse
Déjanire.

Mort d’Hercule
    Sur le chemin du retour, Hercule se trouva retardé par
diverses affaires. Désireux de rassurer Déjanire sur son sort, il envoya
au-devant de