Les Dieux S'amusent
remparts, ont assisté impuissants au combat, Achille attache le corps d’Hector
par les pieds à son char et lui fait faire au galop le tour des remparts, le
front traînant par terre. Il le ramène ensuite dans le camp grec et le dépose
devant sa baraque, sanglant, souillé de poussière et bientôt couvert de mouches.
La nuit est tombée. Mais ni Achille ni Priam ne peuvent trouver le sommeil :
le premier, dans sa baraque, pleure en pensant à son ami Patrocle ; le
second, dans son palais, pleure en pensant à son fils Hector.
29. La trêve
Pendant la nuit, Priam
a pris sa décision ; il en fait part, le lendemain matin, aux membres de
sa famille :
— Je ne puis laisser sans sépulture le corps de mon
fils. J’irai moi-même trouver Achille et le supplierai de me le rendre.
Hécube, sa femme, cherche à le dissuader :
— Achille est un loup enragé, lui dit-elle. Il te tuera
toi aussi, sans égards pour ton âge et pour ton rang.
Mais Priam ne démord pas de son projet. Il fait charger sur
son char un coffre plein de cadeaux précieux pour Achille : des vases d’argent,
des coupes d’or, des statuettes de marbre et des couverts à manche d’ivoire. Sachant
qu’Achille est très gourmand, Hécube, dont les talents de cuisinière sont
réputés, prépare en outre pour lui quelques friandises. Agitant un drapeau
blanc en signe de paix, Priam sort de Troie, traverse sans encombre les lignes
grecques et arrive à la baraque d’Achille, devant laquelle le corps d’Hector
est toujours étendu. En voyant entrer chez lui le vieillard, Achille reste muet
d’étonnement.
— Je viens, lui dit Priam, t’implorer de me rendre la
dépouille de mon fils. Tu vois, je suis venu chargé de cadeaux, et je suis prêt
en outre à te donner pour esclave ou pour épouse, comme tu voudras, l’une de
mes filles. Maintenant que ta vengeance est assouvie, je t’en prie, montre-toi
généreux.
Achille ne répond pas. Troublé, il hésite. Alors, éperdu, Priam
s’agenouille à ses pieds, lui prend la main, cette main encore tachée du sang d’Hector,
la baise et la mouille de ses larmes.
— Souviens-toi de ton vieux père Pelée, lui dit-il, qui
a le même âge que moi et qui attend anxieusement ton retour. Songe à ce que
serait son chagrin si tu devais mourir comme Hector et être privé de sépulture.
Les Grecs qui assistent à cette scène sont émus par le geste
et les paroles de Priam ; ils ne peuvent retenir leurs larmes. Achille
lui-même, à l’évocation du souvenir de son père, sent sa gorge se serrer et sa
colère se dissiper.
— Noble roi, répond-il à Priam, je te rends ton fils. Emmène-le
et fais-lui des obsèques honorables. Pour cela, je suis prêt à décréter une
trêve des combats, pendant tout le temps que tu souhaiteras.
Priam remercie Achille et lui demande de fixer à douze jours
la durée de la trêve. Achille fait laver et parfumer le corps d’Hector et le
fait déposer dans le char de Priam, qui retourne aussitôt à Troie. La dépouille
d’Hector y est accueillie avec une profonde émotion. Ses parents, sa femme, ses
frères, ses amis et ses soldats ne peuvent retenir leurs larmes. Hélène
elle-même est bouleversée de chagrin et de remords :
« C’est par ma faute, pense-t-elle, que cet homme, après
beaucoup d’autres, a trouvé la mort. Et pourtant, de tous les Troyens, il a été
le seul à ne jamais me regarder de travers ni me faire de reproches. »
Pendant la trêve, conformément à la coutume, des jeux et des
concours sont organisés : courses à pied et à cheval, lancer du poids, du
disque et du javelot, tir à l’arc et même matches de boxe. Car il ne faut pas
croire que le « noble art » ait été inventé par lord Chesterfield au
XXIII e siècle, comme le prétendent les Anglais. La boxe existait
déjà dans l’Antiquité, comme l’attestent les reportages circonstanciés qu’on
trouve chez Homère, Virgile et d’autres auteurs anciens. La seule différence
notable entre la boxe de l’époque et celle d’aujourd’hui, c’est qu’au lieu de
porter des gants de cuir les adversaires fixaient à leurs mains des lanières
garnies de petits clous de bronze. Cet instrument, appelé « ceste », était
si meurtrier que, pour inciter les protagonistes à une certaine modération, le
règlement des combats prévoyait l’élimination de tout concurrent qui aurait tué
son adversaire.
Le concours de boxe organisé à l’occasion des
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