Les dîners de Calpurnia
travail, la rapidité des liaisons et la promptitude de ses décisions faisaient que, même en son absence, Rome vivait sous Trajan, comptable unique de l'idée impériale.
Apollodore construisait son forum, achevait sa colonne mais, des bords du golfe Persique, Trajan suivait les travaux comme s'il e˚t été au Palatin et lui demandait de penser à l'édification d'un Panthéon destiné à remplacer celui d'Agrippa qui tombait en ruine.
Et puis, subitement, les nouvelles s'étaient espacées. D'Antioche, o˘ il se trouvait avec sa femme Plotine et Hadrien, ne parvenait plus le flot de dépêches par lesquelles l'Empereur dictait quotidiennement ses ordres. Cela commençait à se savoir dans Rome o˘ la perplexité du Sénat gagnait la population. Petronius, curieux, avait
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questionné Lucinus dont le pére, la plupart du temps bien informé, cette fois ne savait rien.
- Si Pline était là, il nous renseignerait, dit Petronius. Tiens, c'est lui qui m'a poussé à m'intéresser aux choses de la politique ! Il est vrai que pour l'heure, dans son gouvernement de Bithynie, il ne doit pas être dans le secret des dieux.
- Au fait, répondit Lucinus, quelqu'un pourrait peut-être apaiser ta soif de nouvelles. Nous allons demander à Rufa d'interroger son pére qui est un vieil ami de Trajan et un ferme soutien d'Hadrien.
Petronius n'avait pas revu la jeune fille depuis le dîner chez Lucinus. Il pensait pourtant souvent à elle, à ses mains diaphanes, à son sourire un peu triste, à ses yeux allongés qui lui mangeaient le visage. La proposition de Lucinus lui donna soudain envie d'entendre sa voix, de plonger dans son regard et, peut-être, de ressentir la chaleur de sa jambe comme le soir o˘ elle l'avait raccompagné, quand les cahots de la litiére la pressaient contre lui.
- Bonne idée, dit-il. Pourquoi n'arrangerais-tu pas avec ta súur un souper au Vélabre, un soir o˘ ma grand-mére ne sera pas là ? Cela l'amusera peut-
être de connaître cette maison pas comme les autres, différente en tout cas de celles qu'elle fréquente. Je vous montrerai mon atelier que je suis en train d'aménager.
- Entendu, je vais transmettre l'invitation. Tu sais que j'adore ta maison.
Les relations entre les deux garçons s'étaient modifiées au fil du temps.
La passion affective qui les avait réunis n'était plus aussi vive. Et puis, l'un et l'autre, sans rien en dire, commençaient à s'intéresser autrement aux femmes. Lucinus avait dit à son ami que ses parents lui avaient trouvé
- pour plus tard heureusement, elle n'avait que douze ans - une fiancée de noble famille attirée par l'argent des onguents universels. quant à Tullia, elle était déjà, dit-il, promise au fils aîné d'un fonctionnaire impérial trés influent.
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- Cela lui plaît ? avait questionné Petronius.
- Tu le lui demanderas. A mon avis elle te préférerait au poney de l'ordre équestre qu'on lui réserve.
- que veux-tu dire ?
- J'en suis agacé mais tu lui plais. Cela ne prête d'ailleurs pas à
conséquence puisque dans notre monde modéle, si bien installé dans ses vices, c'est le pére qui choisit l'époux de sa fille.
- Les múurs ont tout de même bien changé depuis le temps des matrones vertueuses ! Tullia et Rufa peuvent sortir, aller aux thermes, dîner en ville...
- Oui, parfois, si je suis avec elles, mais elles ne jouiront d'une certaine liberté qu'une fois mariées. Ou divorcées ! Tu vois, ma pauvre súur devra attendre avant d'espérer coucher avec toi !
Il éclata de rire et Petronius en fut meurtri. Comme chaque fois que Lucinus se laissait aller à la vulgarité. Et puis, aprés ce que venait de lui dire son ami, il savait qu'il ne pourrait plus regarder Tullia de la même maniére. Cela le gêna. Il se dit en soupirant que les femmes n'entraient pas sereinement dans sa vie.
Le dîner organisé sous prétexte de curiosité politique réveilla pour de bonla maison du Vélabre. Calpurnia avait applaudi à cette prise en charge des jeunes. Elle eut juste le temps de souhaiter la bienvenue à Lucinus et aux deux filles, qu'elle trouva jolies, avant de gagner d'un pas léger le tombeau de Caecilia Metella et de trouver la paix du Seigneur au milieu de ses fréres et de ses súurs.
Calpurnia avait fait préparer un repas qui devait plaire aux jeunes. Pas de plats compliqués et trop riches, avait-elle dit à l'intendante, simplement des hors-d'úuvre et un beau poisson. Ce fut un bar, préparé en patina
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