Les dîners de Calpurnia
tout le monde sait qu'il aime à montrer son talent ?
- Oui, il dit même qu'il veut conduire un char dans une prochaine course !
Pour la représentation d'aujourd'hui, il se prépare depuis des semaines, se livre à de curieuses pratiques pour entretenir la pureté de sa voix. Il absorbe ainsi, paraît-il, beaucoup d'huile et d'oignons !
- C'est incroyable... Tu as raison, je ne veux pas manquer ce spectacle.
Mais posséde-t-il une si belle voix qu'il veuille la faire entendre au peuple ?
- Il est persuadé qu'il est doué d'un talent extraordinaire. Moi qui l'ai souvent entendu, je dirai qu'il chante plutôt bien pour un amateur. Mais attention, ce n'est pas
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ie appréciation à formuler en public. La voix de César r peut être que divine !
Ils entrérent dans les jardins gr‚ce au billet de Valerius se trouvérent mêlés à l'assistance la plus hétéroclite
. . on p˚t imaginer. Des sénateurs en toge d'apparat
-.cupaient les premiers rangs avec leurs femmes, de imbreux chevaliers de l'ordre équestre et les affranchis
- palais dont les riches habits ne se distinguaient guére e ceux de la noblesse. Les jeunes gens étaient placés
.erriére, au milieu des notables de la ville, tandis que, r .us haut, une bonne moitié des gradins étaient envahis
- ar la plébe. Car César avait tenu à ce que des représen-.ints du petit peuple assistent à son triomphe. Aprés un concert donné par cinquante joueurs de lyre : de cithare en tunique bleue, Néron apparut, dépouillé
.:e la pourpre impériale, vêtu simplement de la longue et arge robe traditionnelle des chanteurs et des musiciens.
les cheveux tombants sur la nuque, sa lyre à la main, il
-alua humblement le public et commença de chanter. Calpurnia, médusée, avait saisi le bras de son compagnon et le pressait. C'était la premiére fois qu'il lui était
-onné d'approcher l'Empereur d'aussi prés et elle décou-. rait César, le maître du monde, sous les traits d'un cabo-
- .n un peu gras qui accompagnait sa voix banale de mou-. ements de bras assez ridicules. quand il eut terminé sa ^érie de chants, coupée par trois fois de déclamations de ooémes attribués eux aussi à son génie, il s'agenouilla,
-elon le rite, pour quêter des applaudissements qui ne lui
-urent naturellement pas ménagés.
- Les poémes et les paroles de trois chansons étaient de moi, glissa Valerius à l'oreille de Calpurnia.
- Je l'avais deviné, répondit-elle en se rapprochant un oeu plus de lui.
- Merci. Maintenant, je pense que tu n'as pas envie que nous nous mêlions à
la foule des thuriféraires qui vont se répandre en louanges grotesques et en flagorneries naÔ-\es, avec l'espoir de pouvoir tout à l'heure approcher l'artiste.
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- Non. C'est d'autre chose que j'ai envie. Emméne-moi chez toi. Il est temps que je sache comment et o˘ tu vis.
A la maniére dont elle avait dit ces derniers mots, Valerius comprit que Calpurnia était prête à se rendre. Il la regarda avec tendresse : ï
- Comme je les ai espérés ces mots-là ! Mais ne t'attends pas au luxe que tu as toujours connu chez Sevu-rus. Je vis pauvrement dans ma maison du quirinal, au-dessus de mon ami Marcus Màrtialis dont je t'ai souvent parlé.
C'est un satiriste mordant qui se fait craindre.
- Est-il aussi protégé par Néron ?
- Oui, mais César n'est pas grand amateur d'épigram-mes. L'élégie lui convient mieux, c'est pourquoi il me préfére.
- Chez toi il trouve ce qu'il aimerait écrire et qu'il peut s'attribuer sans scrupule.
- Il semble que cela t'ennuie de voir Néron cueillir des fleurs dans mon jardin. Mais c'est une grande chance ! Et il ajouta en riant :
- Jamais mes vers ne risquent d'être tant louanges que lorsque c'est l'Empereur qui les récite !
Valerius habitait dans la rue du Poirier, perchée sur le quirinal, le quatriéme étage d'une znsu/a1 construite depuis peu. Il occupait quatre piéces dont le confort n'avait naturellement aucun rapport avec celui d'une domus. Mais Calpurnia, dans l'instant, pensait à tout autre chose qu'aux déficiences de l'urbanisme romain. Elle trouva l'appartement merveilleux puisque c'était celui de son amour. Peu lui importait de devenir une femme sur les hauteurs populaires de Rome plutôt que dans une chambre luxueuse donnant sur un atrium fleuri. Valerius lui fit l'amour en poéte. Il parla beaucoup, souvent en vers, et la fit aussi parler, lui disant que l'acte 1. Les immeubles de Rome se divisaient en deux
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