Les dîners de Calpurnia
Sar-mate qui se nourrit du sang de ses chevaux, les Egyptiens qui se sont baignés dans l'eau du Nil, les Siciliens qui s'arrosent de safran, les Sicambres et les noirs Ethiopiens... Valerius lui avait pris la main et caressait ses longs doigts qu'elle avait massés le matin au lait de rosé. Il lui récitait des vers d'une voix claire comme l'eau d'un torrent ou reposante comme celle d'un lac. Des mots revenaient souvent dans le discours qu'elle buvait sur ses lévres : " flamme subtile, voile qui répand la nuit, baisers tiédes, aube lumineuse, aurore éclatante portée par des chevaux couleur de rosé... ". Des mots qui dansaient encore dans sa tête quand 'elle s'éveilla et qui la confortérent dans l'idée qu'elle reverrait bientôt le jeune poéte beau comme un dieu, fort comme un athléte et qui possédait le pouvoir de faire chanter le verbe de l'amour.
A ce moment, comme un reproche, le visage de Celer lui apparut dans son demi-sommeil. Lui aussi était beau. Son visage franc, son regard clair exprimaient la confiance, la sécurité. Calpurnia savait que ce serait auprés de lui qu'elle se réfugierait s'il lui arrivait quelque chose de grave. Mais Valerius offrait l'attrait de l'imprévu, le sortilége de la poésie et aussi l'appel du désir, un sentiment qu'elle n'avait jamais éprouvé envers Celer.
En pinçant les cordes de sa cithare, elle pensait encore au beau rimeur pendant son cours de musique. Mais elle réfléchissait. Femme de tête, elle se disait qu'il serait peu raisonnable de céder à un premier mouvement.
Alors, elle ne ferait rien, ne demanderait pas à Tarlentia de jouer les entremetteuses, elle attendrait que les circonstances lui fassent rencontrer Valerius, un hasard qu'il ne tarderait pas à provoquer s'il tenait à elle.
Une semaine plus tard, Calpurnia fl‚nait en compagnie d'amies d'études sur l'esplanade de marbre du forum d'Auguste calée entre les temples jumelés de Jupiter et de Junon. Comme sur l'enclos du Champ de Mars, aires 42
sacrées, abris contre le soleil, refuges contre la pluie permettaient à
tout Romain, même le plus démuni, de profiter des splendeurs impériales.
Sous les bosquets et
es ombrages, maintes úuvres d'art rappelaient des mutins fameux. Au seul portique d'Octavie - Auguste
avait consacré à sa súur -, les jeunes filles pouvaient contempler une Vénus de Phidias, une autre de Praxitéle et la statue de l'Amour que ce dernier avait destinée à la .ille de Thespies. C'est là, au détour d'une allée, que Calpurnia aperçut Valerius qui se dirigeait vers elle. Elle sentit son cúur battre et songea qu'elle devait avoir le usage comme un coquelicot. La jeune fille se domina pour répondre au salut presque cérémonieux de Vale-nus.
- J'attendais avec impatience que le hasard nous rapproche, dit-il en souriant. Je bénis les dieux, l'Amour et Praxitéle de l'avoir favorisé.
- Moi aussi, répondit-elle sans réfléchir.
- que j'aime cet aveu ! s'exclama-t-il. C'est le premier, espére qu'il y en aura d'autres. Viens, laisse tes amies que tu vois tous les jours et réfugions-nous sous les platanes de Pompée. Ils sont centenaires et seront heureux d'accueillir la jeunesse.
Calpurnia pensa que même un poéte devrait s'exprimer plus simplement. Elle se promit de le lui dire quand ils se connaîtraient mieux et accepta de bonne gr‚ce l'invitation. Etait-ce une prémonition ? Elle portait ce jour-là sa plus belle toilette : une tunique vert de mer en tissu de Cos qui mettait en valeur ses bras qu'elle sortait ou dissimulait avec coquetterie et, surtout, l'épaule gauche dénudée jusqu'à la naissance des seins.
- Tu es trés belle, Calpurnia, dit-il. Et aussi d'une rare élégance. Mais je t'aimerais autant vêtue d'une modeste
-obe, sans même le fard léger qui rosit ton visage.
- Moi aussi je te trouve beau. Presque trop beau. Est-ce que Néron ne pense pas comme moi quand il
ï écoute réciter tes poémes ?
- Non. Néron est en ce moment trop amoureux de
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Poppée pour s'occuper des garçons, même de cet Othon qui fut autrefois son amant et le premier mari de Poppée.
- quelle horreur ! Et si César s'intéressait à toi, que ferais-tu ?
Elle regretta aussitôt cette question mais Valerius répondit :
- Je serai franc avec toi : je me plierais à son désir. Dis-toi que sans Néron je ne suis rien. Et je yeux devenir un poéte comme Properce ou Ovide qui laisseront un nom et une úuvre aprés eux !
Ils échangérent
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