Les dîners de Calpurnia

six mois de régne, à la fin de 68, les prétoriens se soulevaient et égorgeaient l'Empereur avant de faire subir au cadavre d'abominables mutilations. Restait Tigellin...

    Une curieuse atmosphére pesait sur la ville. Jamais Rome n'avait vu autant de soldats dans ses murs. Des petits groupes de promeneurs se formaient aux thermes ou au forum puis se dispersaient trés vite car l'inquiétude gagnait toutes les couches de la société. Heureusement, l'attente d'un nouveau prince fut courte. Cette fois, on l'avait sous la main. Avant même qu'Othon e˚t donné l'ordre à la garde prétorienne d'assassiner le vieil avare celle-ci l'avait proclamé et conduit au Sénat.
    En bon observateur, Valerius regardait, amusé, le peu- I pie de Rome acclamer Othon et même l'appeler Néron ï C'est que l'exécution de Galba avait été le début d'un irrésistible mouvement pro-néronien. Oubliant qu'i avait trahi son maître, la plébe reconnaissait en Othon le-maniéres fastueuses et prodigues de l'idole déchue quant aux sénateurs, ils ne voyaient pas d'un mauvais ún l'homme intelligent et modéré qui les avait débarrassés d'un vieillard cupide et mal entouré.
    Mêlé à la foule, l'historien notait sur la cire de la tablette qui ne le quittait pas ce nouveau revirement de l'opinion. " C'est un nouveau Néron !
    " affirmait l'un.
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    " Oui, il lui ressemble. que les dieux fassent qu'il soit aussi généreux !
    " lui répondait un vieil homme vêtu d'un pauvre manteau rapiécé.
    - Othon a compris tout de suite l'intérêt qu'il avait de reprendre les méthodes populistes de Néron, dit le lendemain Valerius à ses amis. Savez-vous qu'il a décidé d'ajouter à son nom celui de Néron, et de s'appeler Othon César Auguste Néron ! D'ailleurs, pour qu'on ne s'y trompe pas, il va faire relever les statues de Néron et de Poppée que Galba avait fait abattre.
    - Poppée qui fut sa femme avant de devenir celle de Méron et impératrice !
    coupa Calpurnia.
    - Tu vois, le peuple a raison. Il y avait beaucoup d'affinités entre les deux amis, dit Celer en souriant.
    Calpurnia lança un regard en direction de son mari : cette phrase ne cachait-elle pas un sous-entendu ? Non, elle ne cachait rien. Celer continuait :
    - quelqu'un m'a même dit tout à l'heure au forum qu'Othon allait affecter un crédit de cinquante millions de sesterces à l'achévement des travaux de la Maison Dorée si chére à Néron.
    - Nous n'en aurons donc jamais fini avec la Domus Aurea \ soupira le vieux Sevurus.
    - Ne t'inquiéte pas, lui dit Valerius. D'abord l'argent n'est que promis.
    Et il est certain qu'Othon ne va pas arder à avoir de plus graves soucis.
    - Lesquels ? demanda Calpurnia. Tu es agaçant avec tes petites phrases. que sais-tu au juste ?
    - Othon est l'élu de Rome et de ses cohortes. Mais les nrovinces, qui lui préféraient Vitellius, n'ont pas dit leur iernier mot. L'architecture ne reprendra ses droits que irsqu'il en aura terminé avec les légions de Germanie qui marchent, semble-t-il, sur Rome.
    Valerius avait le sens de l'histoire. Ses prédictions, une fois de plus, allaient bientôt s'accomplir. Othon avait à peine eu le temps de s'installer, de prendre ses premiéres décisions et de faire exécuter le sinistre Tigellin dont le peuple réclamait la tête depuis si longtemps, que les
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    commandements d'avant-garde de Vitellius prenaient pied dans la plaine du Pô. Othon leur envoya des ambassades pour leur préciser que le trône de Rome était pourvu et qu'il souhaitait rencontrer le grand Vitellius pour s'entendre avec lui. La tentative était vouée à l'échec puisque Vitellius avait été nommé empereur par les troupes des deux Germanie puis par les cités gauloises. Deux empereurs, c'était un de trop : la guerre civile qui avait déjà causé tant de malheurs à Rome était, tout le monde s'en rendait compte, inévitable.
    Othon partit donc à la tête de ses légions à la rencontre de l'armée rebelle, sans même attendre qu'on e˚t remis dans le temple les boucliers duciles qui, depuis la plus haute Antiquité, ne devaient être sortis qu'en temps de paix. Ce manquement à la tradition était considéré comme un signe de mauvais augure. Le débordement du Tibre qui retardait la marche des armées en était un autre. D'autres prodiges inquiétants redoublaient les craintes, la guerre commençait pour Othon sous les plus sombres auspices.
    Aprés quelques médiocres succés autour de Plaisance et de