Les dîners de Calpurnia
comme l'Empereur l'avait souhaité. C'est le peuple de Rome qui s'en chargera demain.
A Rome, les cérémonies funébres n'attendaient pas. Dés le 7 juin au matin, deux jours aprés sa mort, un immense cortége traversait la ville. Le char portant les cendres du défunt était drapé des soieries blanches bordées d'or que Néron avait commandées pour les calendes de janvier. S'il y eut quelques cris hostiles on ne les entendit pas. La foule au contraire était recueillie.
Les cendres, pourtant, ne furent pas déposées dans le mausolée d'Auguste mais dans le caveau des Aenobarbi, prés de la sépulture de son pére, le second mari d'Agrip-pine. De ces obséques convenables, Valerius tira un récit sobre mais complet qui s'ajouta au rouleau relatant la mort. Il prit garde à ne pas faire un panégyrique de Néron qui e˚t irrité les successeurs, à ne pas souligner non plus la consternation des prétoriens qui n'avaient abandonné Néron que malgré eux, aprés avoir été bernés par les préfets du prétoire. En revanche, il souligna le rôle capital qu'avait joué l'Empereur disparu dans le domaine culturel, l'essor nouveau donné à
la littérature et son
ndulgence à l'égard des écrivains qui avaient osé critiquer ses múurs, son go˚t du faste et même les meurtres qui avaient marqué la seconde partie de sa vie. Pollius,
éditeur de Martial, lui acheta son manuscrit un bon "Ôrix, ce qui était exceptionnel. Il faut dire que les copies
elatant la fin de Néron étaient demandées par les librai-as des grandes villes de l'Empire, en Gaule comme en Bretagne, en Espagne et en Pannonie.
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Un mois plus tard, Valerius livra un troisiéme livre sur le cénotaphe élevé
à la mémoire de Néron. Gr‚ce à ce récit, on saura, des siécles plus tard, qu'il était construit en porphyre, surmonté d'un autel en marbre de Luna et entouré d'une balustrade en marbre de Thasos1.
1. Suétone l'a décrit ainsi et a même donné son prix, qui comprend peut-
être la dépense des funérailles : deux mille sesterces. Le monument sera détruit par le pape Pascal II pour édifier l'église Santa Maria del Popolo.
Mon confrére Georges-Roux précise que l'actuelle Piazza del Popolo ne doit pas son nom au peuple mais au peuplier (populusl qui ornait la sépulture de Néron.
La valse des empereurs
Les augures l'avaient prédit, Plutarque le répétera : la chute de Néron annonçait de grands malheurs. Bien que ni Sevurus ni les enfants n'accordassent grand crédit aux augures, on discutait souvent de ce présage dans la maison du Vélabre. Du repli de Tibére dans l'île de Capri à la folie de Caligula, Sevurus avait connu presque toutes les grandes crises de l'Empire. Il n'avait pas besoin d'examiner les entrailles d'une bête sacrifiée pour savoir que, la lignée julio-claudienne éteinte avec Néron, le choix d'un nouvel Empereur entraînerait des troubles graves.
Pour l'heure, la plus grande confusion régnait à Rome. Galba, l'Empereur désigné sans enthousiasme par les prétoriens auxquels Tigellin et Nymphidius avaient annoncé par ruse la désertion de Néron, était toujours sur la route. Sa marche était lente et, disait-on à Rome, endeuillée par les massacres d'officiers et de fonctionnaires demeurés fidéles à Néron. Le vieillard avançait précédé d'une double réputation d'avarice et de cruauté.
Aussi son arrivée ne suscita-t-elle pas l'enthousiasme de la population qui découvrit un homme au visage émacié, au regard méchant, dont les troupes se livraient sans raison aux pires exactions contre les soldats désarmés qui avaient appartenu à la garde prétorienne.
- Le nouveau pouvoir se complaît dans l'horreur ! rap-oorta Valerius qui poursuivait avec rigueur sa vocation
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d'historien. " Tous les abus de l'ancienne cour subsistent, aussi criants, bien moins excusés ! " Cette derniére phrase n'est pas de moi, c'est le Premier Tribun Antonius Honoratus qui l'a prononcée hier au Sénat.
- Penses-tu que ce Galba va demeurer longtemps au Palatin ? demanda Calpurnia.
- Cela m'étonnerait ! Nymphidius est mort mais Tigel-lin est toujours là, et le peuple réclame sa tête. Il lui en veut d'être responsable des meurtres perpétrés sous Néron puis de l'avoir l‚chement abandonné lorsque vint le danger. Mais Galba s'entête à protéger Tigellin, révélant ainsi qu'il a été son complice. Bref, on recommence à parler de complot.
L'analyse était bonne : aprés
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