Les dîners de Calpurnia
difficile, exigeant le concours d'ouvriers entraînés : la polyspaste pouvait, avec ses dix-huit poulies et ses c‚bles, déposer un fardeau en avant, à
164
droite ou à gauche. Gr‚ce à cette machine1, les pierres taillées et les blocs de marbre pouvaient être soulevés directement du chariot et élevés jusqu'à l'emplacement qui leur était destiné.
En cette fin d'une journée de labeur. Celer regardait avec fierté ce ballet des blocs de travertin qui oscillaient dans le soir avant de se poser là o˘
les maçons les recevaient pour les accoler à.leurs voisins.
- C'est magnifique, n'est-ce pas, Marcellus ? dit-il au curator. Toute la puissance de l'Empire semble concentrée, comme un symbole en marche, sur ce chantier qui constitue, en dehors des exploits militaires, le plus grand défi romain de l'histoire. Comment rester insensible à la magie de ce spectacle extraordinaire ! Je vais demander à notre ami Martial d'en conserver une trace dans l'un de ses écrits.
- Pourquoi pas ? Mais arrivera-t-il à évoquer en une dizaine d'hexamétres le regard de feu qui t'anime, Celer, lorsque tu parles du chantier de l'amphithé‚tre ? J'ai beaucoup de chance de travailler avec toi mais tu me fais regretter de ne connaître le métier d'architecte qu'à travers ton propre talent. Je voudrais te poser une question : les machines ne pourront hisser les pierres que jusqu'à une certaine hauteur, celle du premier étage. que ferons-nous ensuite ?
- Je pense mettre en application une invention de Héron - décidément ces Grecs ont tout pensé avant nous
qui doit permettre avec des roues dentées et des pignons de différentes tailles de tracter ou d'élever de grosses charges en maniant une simple manivelle. Personne à ma connaissance n'a utilisé chez nous cet appareil.
Je posséde sa description sur un parchemin que m'a laissé Sevurus en me disant : " Cela peut marcher, sait-on Ôamais !... " Je vais en faire fabriquer un afin de l'essayer.
De ces journées laborieuses, Celer rentrait épuisé, mais Calpurnia savait trouver les mots qui calmaient.
1. C'était en somme l'ancêtre de la grue, sauf qu'il n'y avait pas d'engrenages. Tout était fait par des cordages et des poulies.
165
Elle l'entourait de soins pour qu'il puisse briller lorsque des invités venaient partager la cena qui restait au Véla-bre le moment le plus agréable de la journée. Pour Cal-purnia qui avait besoin de parler, d'écouter, d'échanger des idées, et pour Celer qui pouvait enfin oublier le vacarme et la poussiére du chantier.
La petite Terentia allait bientôt avoir trois ans et tenait une grande place dans la vie familiale. Sa mére s'occupait beaucoup d'elle et laissait peu d'initiatives à la nourrice dont elle craignait, à tort, la négligence.
Abula, l'esclave i syrienne, qui portait le nom d'une riviére romaine, était I jolie, douce et sérieuse malgré sa jeunesse. Elle adorait Terentia et avait peur de Calpurnia qui n'était pourtant | pas une patronne bien sévére. quant à Celer, il ne se privait pas de faire remarquer sa beauté juvénile, ce qui agaçait sa femme. Celle-ci le sentait attiré, peut-être inconsciemment, par la jeune fille ; elle se disait que
| c'était une chance qu'il f˚t accaparé par l'amphithé‚tre. " " Si Abula avait été dans la maison lorsque Celer était inactif, je crois que j'aurais eu une rivale ! " avait-elle confié un jour à Martial. Le poéte lui avait répondu en souriant qu'il e˚t été là pour la consoler. Comme on ne savait jamais si le trousseur d'épigrammes était sérieux ou s'il plaisantait, Calpurnia ne fit pas attention sur le moment à sa réponse.
C'est un peu plus tard qu'elle la trouva plutôt flatteuse et se dit que si Celer succombait un jour à la jeunesse d'Abula, elle ne manquerait pas de s'en souvenir.
Ainsi allait la vie. Terentia grandissait en même temps que le " g‚teau blanc ". Aux calendes de mars le gros úuvre du premier étage était terminé.
Des colonnes doriques supportant quatre-vingts arcs ouvraient au rez-de-chaussée autant de portes sur le couloir circulaire d'o˘, plus tard, on accéderait aux vo˚tes et aux escaliers qu'emprunteraient les spectateurs pour gagner leurs places. Telle quelle, dans son état brut, l'ellipse d'arcades était belle. Les Romains pouvaient maintenant vraiment imaginer ce que serait leur amphithé‚tre quand une
166
deuxiéme colonnade, d'ordre ionique cette fois, puis une troisiéme,
Weitere Kostenlose Bücher