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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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de
représenter une qualité essentielle d'Israël : dépouillé, bref, nécessairement
pratique, impatient avec une ornementation sentimentale. Cette Yona faisait de
temps en temps son apparition, seule, chez nous, mais le plus souvent elle
arrivait avec mon grand-père, qui avait été brièvement, vers le milieu des
années 1960, «entre deux épouses», comme j'avais entendu quelqu'un le dire,
avant de savoir ce que cela signifiait réellement – l'esprit des enfants
étant tout à fait littéral, j'avais imaginé mon grand-père compressé entre Nana
morte et une autre femme quelconque – et de pouvoir comprendre le dédain
sous-jacent dans ce commentaire. C'était cette remarque entendue qui m'avait
peut-être poussé à me demander, devant ma mère qui faisait chauffer une poêle
remplie des petits pois minuscules qui étaient les seuls que mangeait mon
grand-père, si Yona allait épouser Grandpa.
    Yona ! avait dit ma mère en riant et en secouant
la tête. Mais non, idiot, Yona est notre cousine !
    Comme ma mère est fille unique, je savais déjà à ce
moment-là que lorsqu'elle parlait de « cousins » – ou
lorsqu'elle parlait de certaines « tantes » ou « oncles »
– elle faisait référence à des parents dont le lien avec moi, mes frères
et ma sœur, était en fait assez lointain – à supposer qu'il y eût même un
lien véritable. J'avais donc admis de bonne foi que cette jeune femme,
séduisante à certains égards, avec ses cheveux noirs bouffants autour d'un
visage languide, était liée à la famille Jaeger d'une manière ou d'une autre,
et que je devais être gentil avec elle. Je voulais être gentil avec elle de
toute façon, parce que en dépit de ma jeunesse, je sentais que l'attention
qu'elle m'accordait avait quelque chose de spécial. Il a des yeux d'un
bleu ! disait-elle à ma mère, avec intensité. Et elle était en effet très
sérieuse. Seul mon grand-père, pour autant qu'on ait pu le savoir, était en
mesure de la faire rire, mon grand-père qui l'appelait, pour se moquer un peu
d'elle, Yona geblonah ! et lui racontait des histoires scandaleuses
dans des langues que je ne comprenais pas alors. Et puis mon grand-père avait
épousé la première des trois femmes qui allaient succéder à ma grand-mère, et à
la place de Yona, vinrent chez nous pendant l'été Rose tout d'abord, Alice
ensuite, et enfin Ray, Raya, avec le tatouage sur l'avant-bras, Raya qui
s'arrangeait toujours pour occuper la chaise de mon père à la tête de la table
et feignait la surprise quand il restait debout près d'elle, la regardant de
haut avec un air impatient, au début du repas, Raya qui, lorsqu'elle se
mettait à manger, se penchait sur son assiette comme si elle avait craint, même
alors, que quelqu'un lui prît sa nourriture ; et c'est peut-être à cause de
toutes ces épouses que nous avons en quelque sorte perdu la trace de Yona, qui
avait cessé de venir nous voir à Long Island vers la fin des années 1960 et que
nous n'avons plus jamais revue.
    Dans les années 1960, nous avons eu aussi la première visite
d'Elkana. Il était alors jeune, sombre, assez fringant ; son habileté à obtenir
de la police locale d'être transporté jusqu'à notre maison en hélicoptère
m'avait fait l'effet d'être un reflet de son importance dans le monde, de son
prestige. Elkana n'était pas très grand – aucun Jäger ne l'était, ou du
moins l'ai-je cru jusqu'à ce que j'en sache plus – mais il avait une
présence et une autorité comparables à celles de mon grand-père. C'était à la
fois perturbant et satisfaisant pour moi de voir cette personnalité familière à
présent assumée par quelqu'un d'autre, traduite sur ce visage plus jeune,
subtil et rusé, avec ces yeux amusés et cette moustache superbe, en quelque
chose de vaguement exotique. Lorsqu'il venait nous voir, parfois seul et
parfois avec sa superbe épouse, Ruthie, qui, avions-nous appris, les yeux
écarquillés, n'avait jamais coupé ses cheveux et me laissait la regarder,
certains jours, quand elle relevait ses longues tresses blondes sur sa tête, chaque
matin, dans notre salle de bains au carrelage bleu, Elkana nous promettait que
si nous venions le voir en Israël, il nous faciliterait les choses et que tout
serait merveilleux, première classe.
    Avec moi, disait-il, vous (il prononçait fous) n'aurez
rien à faire simplement descendre de l'avion – pas de douane, pas
d'immigration, pas de contrôle des

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