Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
Vom Netzwerk:
luxuriants au milieu d'une ruine sans toit qui était autrefois
la synagogue principale de la ville. Quand j'ai découvert l'étrange coïncidence
géographique qui liait nos familles, j'en ai fait part à mon ami, qui est,
comme moi, un écrivain et qui, connaissant mon intérêt pour l'histoire de cette
petite partie du monde aujourd'hui oubliée, m'a proposé de me présenter à sa
mère, une femme qui avait alors près de quatre-vingt-dix ans. Peut-être
partagerait-elle ses souvenirs avec moi. Sa mère. Mme Begley. Begley :
un autre nom qui, comme ceux des villes où les gens comme elle ont vécu
autrefois, a été subtilement altéré. Car son nom avait été en fait Begleiter, ce qui signifie en allemand « compagnon » ou
« escorte ». Bien évidemment, j'ai accepté avec enthousiasme
l'invitation de mon ami : j'allais avoir quarante ans, il y avait eu une petite
série d'étranges coïncidences, de curieux événements qui m'avaient remis en
mémoire Bolechow, Shmiel et le passé singulier de notre famille avaient fait
surface dans le présent, agitant devant nous cette séduisante possibilité que
les morts n'étaient pas tant disparus que dans l'expectative...
     
     
    Il y a quelques années, pour prendre un
exemple, j'ai lu quelque part que, soixante ans après l'événement, il était
encore possible de soumettre à la Croix-Rouge internationale les noms de
victimes de l'Holocauste à retrouver. Et donc, un jour, je suis entré dans le
bureau de la Croix-Rouge local, qui se trouve dans un grand bâtiment
rectangulaire, plutôt banal, pas très loin de mon appartement. Sur la façade du
bâtiment, il y a une grande croix rouge. A l'intérieur, j'ai dûment rempli six
formulaires pour des personnes disparues, je l'ai fait avec un vague
tremblement d'optimisme, sachant quelles étaient les chances. Mais on ne sait
jamais, me suis-je dit.
    Et l'on ne sait vraiment jamais. Il y a peut-être quinze
ans, mon plus jeune frère, qui était alors assistant pour les costumes pour les
films de Woody Allen, cherchait des tissus dans une boutique mal éclairée, un
endroit rempli de rouleaux de tissus, dans le quartier de la confection à New
York. Il a remarqué que le vieil homme au comptoir portait un tatouage sur
l'avant-bras et il a engagé la conversation avec lui. Mon frère a mentionné, au
cours de cette conversation, le fait que des parents à nous qui avaient péri
dans le désastre étaient de Bolechow, ce qui a provoqué chez le vieux Juif de
ce magasin de confection une sorte d'exclamation extasiée, en même temps qu'il
tapait dans ses mains : Ach, Bolechow ! Ils avaient les plus beaux
cuirs !
    II y avait eu la fois où, après que j'eus placé une annonce
sur un site Internet de généalogie, un vieil homme m'avait appelé pour me dire
qu'il avait connu autrefois une personne du nom de Shmiel Jäger. Avant même que
je puisse répondre, il avait ajouté que ce Shmiel Jäger était originaire de Dolina,
une petite ville proche de Bolechow, et avait fui vers l'est, lorsque les
Allemands étaient arrivés pendant l'été 1941 –  fui, semblait-il, au cœur
de ce qui était alors l'Union soviétique. J'ai entendu dire qu'il avait
épousé une femme ouzbek, qu'il avait même eu des enfants avec elle ! avait
hurlé dans le téléphone le vieil homme qui était dur d'oreille. Amusé à la
pensée d'un Juif de shtetl allant rôder aussi loin que l'Ouzbékistan, je
l'avais remercié de son appel et raccroché en me disant, Il n'y a pas de quoi
s'exciter.
    Et pourtant c'était bizarre : comme le contact inattendu
d'une main glacée.
    Il y avait eu aussi la fois où un autre de mes frères
–  Matt, celui qui est né juste après moi, avec qui je n'ai eu, pendant
longtemps, aucune intimité véritable (à la différence du plus jeune, qui était
censé, comme moi, avoir des inclinations artistiques et dont je m'étais
toujours senti très proche) ; Matt, vis-à-vis de qui, en grandissant,
j'éprouvais un sentiment obscur mais féroce de compétition et à qui, dans un
moment de fureur, j'avais fait quelque chose de très cruel physiquement – 
Matt m'avait appelé pour me dire qu'il était passé dans une grande réunion
internationale de survivants de l'Holocauste à Washington, D.C., où il vit.
Matt est photographe, il faisait peut-être un reportage sur la réunion. Je ne
sais pas, je ne m'en souviens plus. En tout cas, il m'appelait pour me dire
qu'il était tombé sur quelqu'un qui lui avait

Weitere Kostenlose Bücher