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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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yeux
correspondaient aux rues et aux maisons sur la carte de Stryj d'avant-guerre
que nous avions réussi à nous procurer...
     
     
    ... Nous nous étions procuré
la carte de la manière suivante : lorsque j'ai dit à Alex que nous voulions
nous arrêter à Striy, il nous a signalé qu'il y avait là quelqu'un que nous
voudrions certainement rencontrer, compte tenu de nos intérêts — Josef Feuer,
connu de partout comme le dernier Juif de Striy. Le jour où nous avons passé
tant de temps à chercher la maison de Mme Begley, Alex a fini par nous emmener
dans un bloc d'appartements délabré dans les faubourgs de la ville, et nous
avons gravi les escaliers en béton, froids et humides, qui conduisaient à
l'appartement de Feuer. Le vieil homme, voûté mais digne, avec une petite barbe
blanche et un air d'érudit, nous a fait signe d'entrer dans la pièce encombrée,
et tous les quatre nous sommes entrés à petits pas et assis autour d'une table
en bois au milieu de la pièce. Nous avons bavardé un moment avec Josef Feuer,
qui nous a raconté, dans un mélange d'allemand, de yiddish et de russe, que j'ai
essayé de traduire simultanément pour ma sœur et mes frères, l'histoire de sa
survie, qui était semblable à celle d'Eli Rosenberg dont j'avais entendu parler
un peu plus tôt dans l'année : après s'être échappé de justesse, il avait fui
vers l'est, servi dans l'armée soviétique, avant de revenir vers une ville
dévastée. Tout comme Rosenberg, Feuer s'était marié et était resté dans sa
ville natale, mais à la différence de Rosenberg, il avait fait autre chose.
Pendant que nous étions assis là à écouter son histoire, il était difficile de
ne pas regarder bêtement autour de soi, car l'appartement avait été transformé
en archives privées, en musée d'une culture éteinte, où Feuer avait lui-même
assemblé tous les fragments de la vie juive perdue de Striy sur lesquels il
avait pu mettre la main : vieux livres de prière, cartes, documents jaunis,
enquêtes municipales, photos de gens qu'il avait connus et de bien d'autres
qu'il n'avait pas connus, des cartons gonflés de ses correspondances en cours
avec Yad Vashem ou le gouvernement allemand. C'est de ces archives
poussiéreuses qu'il avait sorti, lorsque nous lui avions dit pourquoi nous
étions à Striy ce jour-là, plusieurs grandes cartes anciennes de la ville ; et
c'était d'une masse importante de papiers récents qu'il avait sorti un échange
de lettres qui, disait-il, nous amuserait. Il avait écrit, a-t-il dit, au
gouvernement allemand, il y avait peu de temps, pour les engager à ériger un
mémorial sur le site de la grande Aktion dans la forêt de Holobutow, à
la périphérie de la ville, où avaient été emmenés et abattus mille Juifs en
1941. Le site, disait-il dans sa lettre, était en friches, mais on pouvait voir
des os surgir du sol.
    Tout en nous racontant cette histoire, Feuer avait sorti une
copie de la lettre qu'il avait écrite en allemand et envoyée à Berlin. Puis il
en a sorti une autre, marquée de ce qui ressemblait à un tampon officiel du
gouvernement. Les Allemands, a-t-il dit, avaient répondu avec un grand
empressement et proposé la chose suivante : si M. Feuer et les autres membres
de la communauté juive de Striy pouvaient lever quelques fonds pour la
conception du site de la forêt de Holobutow et la construction du mémorial, le
gouvernement allemand serait tout à fait prêt à apporter une contribution du
même montant.
      Arrivé à ce point de son récit, Feuer a brandi une autre
feuille de papier : sa réponse à la proposition allemande. Il est diffîcile,
aujourd'hui, de se souvenir de l'essentiel, dans la mesure où l'ouverture de sa
lettre captait toute l'attention. Elle disait : Monsieur, tous les autres
membres de la communauté juive de Stryj sont
dans
la forêt de Holobutow. Ce fait, dont nous n'avons pas de raison de douter de l'exactitude, est
certainement ce qui a conduit cet homme délicat, à l'allure d'érudit, à se tourner
vers nous, alors qu'il descendait les escaliers de son immeuble après notre
entretien, pour dire à Matt, qui prenait cette photo à cet instant-là, Dites-leur
que je suis le Dernier des Mohicans...
     
    ... C 'est donc la carte
de Josef Feuer que nous avons utilisée pour essayer de déterminer où se
trouvait la rue du Trois-Mai. Dans la rue qui semblait être la candidate la
plus probable, Alex a arrêté une femme très âgée qui portait un

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