Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
Vom Netzwerk:
le
corps (aussi ne le sçauroit elle faire que par quelque singerie
contrefaicte) mais de se r'allier à luy, de l'embrasser, le cherir,
luy assister, le contreroller, le conseiller, le redresser, et
ramener quand il fourvoye ; l'espouser en somme, et luy servir
de mary : à ce que leurs effects ne paroissent pas divers et
contraires, ains accordans et uniformes. Les Chrestiens ont une
particuliere instruction de cette liaison, car ils sçavent, que la
justice divine embrasse cette societé et joincture du corps et de
l'ame, jusques à rendre le corps capable des recompenses
eternelles : Et que Dieu regarde agir tout l'homme, et veut
qu'entier il reçoive le chastiement, ou le loyer, selon ses
demerites.
    La secte Peripatetique, de toutes sectes la plus sociable,
attribue à la sagesse ce seul soing, de pourvoir et procurer en
commun, le bien de ces deux parties associées : Et montre les
autres sectes, pour ne s'estre assez attachées à la consideration
de ce meslange, s'estre partializées, cette-cy pour le corps, cette
autre pour l'ame, d'une pareille erreur : et avoir escarté
leur subject, qui est l'homme ; et leur guide, qu'ils advouent
en general estre nature.
    La premiere distinction, qui aye esté entre les hommes, et la
premiere consideration, qui donna les præminences aux uns sur les
autres, il est vray-semblable que ce fut l'advantage de la
beauté.
    agros divisere atque dedere
Pro facie cujusque et viribus ingenióque :
Nam facies multum valuit, viresque vigebant
.
    Or je suis d'une taille un peu au dessoubs de la moyenne :
Ce deffaut n'a pas seulement de la laideur, mais encore de
l'incommodité : à ceux mesmement, qui ont des commandements et
des charges : car l'authorité que donne une belle presence et
majesté corporelle, en est à dire.
    C. Marius ne recevoit pas volontiers des soldats, qui n'eussent
six pieds de haulteur. Le courtisan a bien raison de vouloir pour
ce gentilhomme qu'il dresse, une taille commune, plustost que toute
autre : Et de refuser pour luy, toute estrangeté, qui le face
montrer au doigt. Mais de choisir, s'il faut à cette mediocrité,
qu'il soit plustost au deçà, qu'au delà d'icelle, je ne le ferois
pas, à un homme militaire.
    Les petits hommes, dit Aristote, sont bien jolis, mais non pas
beaux : et se cognoist en la grandeur, la grande ame, comme la
beauté, en un grand corps et hault.
    Les Æthiopes et les Indiens, dit-il, elisants leurs Roys et
Magistrats, avoyent esgard à la beauté et procerité des personnes.
Ils avoient raison : car il y a du respect pour ceux qui le
suivent, et pour l'ennemy de l'effroy, de voir à la teste d'une
trouppe, marcher un chef de belle et riche taille :
    Ipse inter primos præstanti
corpore Turnus
Vertitur, arma tenens, et toto vertice suprà est
.
    Nostre grand Roy divin et celeste, duquel toutes les
circonstances doivent estre remerquées avec soing, religion et
reverence, n'a pas refusé la recommandation corporelle,
speciosus forma præ filiis hominum
.
    Et Platon avec la temperance et la fortitude, desire la beauté
aux conservateurs de sa republique.
    C'est un grand despit qu'on s'addresse à vous parmy voz gens,
pour vous demander où est Monsieur : et que vous n'ayez que le
reste de la bonnetade, qu'on fait à vostre barbier ou à vostre
secretaire : Comme il advint au pauvre Philopoemen :
estant arrivé le premier de sa trouppe en un logis, où on
l'attendoit, son hostesse, qui ne le cognoissoit pas, et le voyoit
d'assez mauvaise mine, l'employa d'aller un peu aider à ses femmes
à puiser de l'eau, où attiser du feu, pour le service de
Philopoemen : Les gentils-hommes de sa suitte estans arrivez,
et l'ayants surpris embesongné à cette belle vacation (car il
n'avoit pas failly d'obeïr au commandement qu'on luy avoit faict)
luy demanderent ce qu'il faisoit-là : Je paie, leur
respondit-il, la peine de ma laideur.
    Les autres beautez, sont pour les femmes : la beauté de la
taille, est la seule beauté des hommes. Où est la petitesse, ny la
largeur et rondeur du front, ny la blancheur et douceur des yeux,
ny la mediocre forme du nez, ny la petitesse de l'oreille, et de la
bouche, ny l'ordre et blancheur des dents, ny l'espesseur bien unie
d'une barbe brune à escorce de chataigne, ny le poil relevé, ny la
juste proportion de teste, ny la fraischeur du teint, ny l'air du
visage aggreable, ny un corps sans senteur, ny la juste proportion
de membres, peuvent faire un bel homme.
    J'ay au demeurant, la

Weitere Kostenlose Bücher