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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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cæli :
Denique non armis opus est, non moenibus altis
Queis sua tutentur, quando omnibus omnia largè
Tellus ipsa parit, naturáque dædala rerum
.
    Ces plaintes là sont fauces : il y a en la police du monde,
une egalité plus grande, et une relation plus uniforme.
    Nostre peau est pourveue aussi suffisamment que la leur, de
fermeté contre les injures du temps, tesmoing plusieurs nations,
qui n'ont encores essayé nul usage de vestemens. Noz anciens
Gaulois n'estoient gueres vestus, ne sont pas les Irlandois noz
voisins, soubs un ciel si froid : Mais nous le jugeons mieux
par nous mesmes : car tous les endroits de la personne, qu'il
nous plaist descouvrir au vent et à l'air, se trouvent propres à le
souffrir : S'il y a partie en nous foible, et qui semble
devoir craindre la froidure, ce devroit estre l'estomach, où se
fait la digestion : noz peres le portoyent descouvert, et noz
Dames, ainsi molles et delicates qu'elles sont, elles s'en vont
tantost entr'ouvertes jusques au nombril. Les liaisons et
emmaillottems des enfans ne sont non plus necessaires : et les
meres Lacedemoniennes eslevoient les leurs en toute liberté de
mouvements de membres, sans les attacher ne plier. Nostre pleurer
est commun à la plus part des autres animaux, et n'en est guere
qu'on ne voye se plaindre et gemir long temps apres leur
naissance : d'autant que c'est une contenance bien sortable à
la foiblesse, en quoy ils se sentent. Quant à l'usage du manger, il
est en nous, comme en eux, naturel et sans instruction.
    Sentit enim vim quisque suam quam
possit abuti
.
    Qui fait doute qu'un enfant arrivé à la force de se nourrir, ne
sçeut quester sa nourriture ? et la terre en produit, et luy
en offre assez pour sa necessité, sans autre culture et
artifice : Et sinon en tout temps, aussi ne fait elle pas aux
bestes, tesmoing les provisions, que nous voyons faire aux fourmis
et autres, pour les saisons steriles de l'année. Ces nations, que
nous venons de descouvrir, si abondamment fournies de viande et de
breuvage naturel, sans soing et sans façon, nous viennent
d'apprendre que le pain n'est pas nostre seule nourriture : et
que sans labourage, nostre mere nature nous avoit munis à planté de
tout ce qu'il nous falloit : voire, comme il est
vray-semblable, plus plainement et plus richement qu'elle ne fait à
present, que nous y avons meslé nostre artifice :
    Et tellus nitidas fruges
vinetáque læta
Sponte sua primum mortalibus ipsa creavit,
Ipsa dedit dulces foetus, et pabula læta,
Quæ nunc vix nostro grandescunt aucta labore,
Conterimúsque boves et vires agricolarum
.
    le débordement et desreglement de nostre appetit devançant
toutes les inventions, que nous cherchons de l'assouvir.
    Quant aux armes, nous en avons plus de naturelles que la plus
part des autres animaux, plus de divers mouvemens de membres, et en
tirons plus de service naturellement et sans leçon : ceux qui
sont duicts à combatre nuds, on les void se jetter aux hazards
pareils aux nostres. Si quelques bestes nous surpassent en cet
avantage, nous en surpassons plusieurs autres : Et l'industrie
de fortifier le corps et le couvrir par moyens acquis, nous l'avons
par un instinct et precepte naturel. Qu'il soit ainsi, l'elephant
aiguise et esmoult ses dents, desquelles il se sert à la guerre
(car il en a de particulieres pour cet usage, lesquelles il
espargne, et ne les employe aucunement à ses autres services) Quand
les taureaux vont au combat, ils respandent et jettent la poussiere
à l'entour d'eux : les sangliers affinent leurs
deffences : et l'ichneumon, quand il doit venir aux prises
avec le crocodile, munit son corps, l'enduit et le crouste tout à
l'entour, de limon bien serré et bien paistry, comme d'une
cuirasse. Pourquoy ne dirons nous qu'il est aussi naturel de nous
armer de bois et de fer ?
    Quant au parler, il est certain, que s'il n'est pas naturel, il
n'est pas necessaire. Toutesfois je croy qu'un enfant, qu'on auroit
nourry eu pleine solitude, esloigné de tout commerce (qui seroit un
essay malaisé à faire) auroit quelque espece de parolle pour
exprimer ses conceptions : et n'est pas croyable, que nature
nous ait refusé ce moyen qu'elle a donné à plusieurs autres
animaux : Car qu'est-ce autre chose que parler, ceste faculté,
que nous leur voyons de se plaindre, de se resjouyr, de
s'entr'appeller au secours, se convier à l'amour, comme ils font
par l'usage de leur voix ? Comment ne parleroient elles
entr'elles ? elles

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