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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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que
je t'ay laissé dire tout ce que tu as voulu, et tant que tu as
voulu, sans jamais dire mot : voila pas un taire parlier et
bien intelligible ?
    Au reste, qu'elle sorte de nostre suffisance ne recognoissons
nous aux operations des animaux ? est-il police reglée avec
plus d'ordre, diversifiée à plus de charges et d'offices, et plus
constamment entretenuë, que celle des mouches à miel ? Ceste
disposition d'actions et de vacations si ordonnée, la pouvons nous
imaginer se conduire sans discours et sans prudence ?
    His quidam signis atque hæc
exempla sequuti,
Esse apibus partem divinæ mentis, et haustus
Æthereos dixere
.
    Les arondelles que nous voyons au retour du printemps fureter
tous les coins de nos maisons, cherchent elles sans jugement, et
choisissent elles sans discretion de mille places, celle qui leur
est la plus commode à se loger ? Et en ceste belle et
admirable contexture de leurs bastimens, les oiseaux peuvent ils se
servir plustost d'une figure quarrée, que de la ronde, d'un angle
obtus, que d'un angle droit, sans en sçavoir les conditions et les
effects ? Prennent-ils tantost de l'eau, tantost de l'argile,
sans juger que la dureté s'amollit en l'humectant ?
Planchent-ils de mousse leur palais, ou de duvet, sans prevoir que
les membres tendres de leurs petits y seront plus mollement et plus
à l'aise ? Se couvrent-ils du vent pluvieux, et plantent leur
loge à l'Orient, sans cognoistre les conditions differentes de ces
vents, et considerer que l'un leur est plus salutaire que
l'autre ? Pourquoy espessit l'araignée sa toile en un endroit,
et relasche en un autre ? se sert à ceste heure de ceste sorte
de neud, tantost de celle-là, si elle n'a et deliberation, et
pensement, et conclusion ? Nous recognoissons assez en la
pluspart de leurs ouvrages, combien les animaux ont d'excellence au
dessus de nous, et combien nostre art est foible à les imiter. Nous
voyons toutesfois aux nostres plus grossiers, les facultez que nous
y employons, et que nostre ame s'y sert de toutes ses forces :
pourquoy n'en estimons nous autant d'eux ? Pourquoy attribuons
nous à je ne sçay quelle inclination naturelle et servile, les
ouvrages qui surpassent tout ce que nous pouvons par nature et par
art ? En quoy sans y penser nous leur donnons un tres-grand
avantage sur nous, de faire que nature par une douceur maternelle
les accompaigne et guide, comme par la main à toutes les actions et
commoditez de leur vie, et qu'à nous elle nous abandonne au hazard
et à la fortune, et à quester par art, les choses necessaires à
nostre conservation ; et nous refuse quant et quant les moyens
de pouvoir arriver par aucune institution et contention d'esprit, à
la suffisance naturelle des bestes : de maniere que leur
stupidité brutale surpasse en toutes commoditez, tout ce que peult
nostre divine intelligence.
    Vrayement à ce compte nous aurions bien raison de l'appeller une
tres-injuste marastre : Mais il n'en est rien, nostre police
n'est pas si difforme et desreglée. Nature a embrassé
universellement toutes ses creatures : et n'en est aucune,
qu'elle n'ait bien plainement fourny de tous moyens necessaires à
la conservation de son estre : Car ces plaintes vulgaires que
j'oy faire aux hommes (comme la licence de leurs opinions les
esleve tantost au dessus des nuës, et puis les ravale aux
Antipodes) que nous sommes le seul animal abandonné, nud sur la
terre nuë, lié, garrotté, n'ayant dequoy s'armer et couvrir que de
la despouïlle d'autruy : là où toutes les autres creatures,
nature les a revestuës de coquilles, de gousses, d'escorse, de
poil, de laine, de pointes, de cuir, de bourre, de plume,
d'escaille, de toison, et de soye selon le besoin de leur
estre : les a armées de griffes, de dents, de cornes, pour
assaillir et pour defendre, et les a elles mesmes instruites à ce
qui leur est propre, à nager, à courir, à voler, à chanter :
là où l'homme ne sçait ny cheminer, ny parler, ny manger, ny rien
que pleurer sans apprentissage.
    Tum porro, puer ut sævis
projectus ab undis
Navita, nudus humi jacet infans, indigus omni
Vitali auxilio, cum primum in luminis oras
Nexibus ex alvo matris natura profudit,
Vagitúque locum lugubri complet, ut æquum est
Cui tantum in vita restet transire malorum :
At variæ crescunt pecudes, armenta, feræque,
Nec crepitacula eis opus est, nec cuiquam adhibenda est
Almæ nutricis blanda atque infracta loquela :
Nec varias quærunt vestes pro tempore

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