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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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ut
nequit ullam
Dispicere ipse oculus rem seorsum corpore toto.
    Car à ce compte ce ne sera plus l'homme, ny nous par consequent,
à qui touchera ceste jouyssance : Car nous sommes bastis de
deux pieces principales essentielles, desquelles la separation,
c'est la mort et ruyne de nostre estre.
    Inter enim jacta est vitai pausa,
vagéque
Deerrarunt passim motus ab sensibus omnes.
    Nous ne disons pas que l'homme souffre, quand les vers luy
rongent ses membres, dequoy il vivoit, et que la terre les
consomme :
    Et nihil hoc ad nos, qui coitu
conjugióque
Corporis atque animæ consistimus uniter apti.
    D'avantage, sur quel fondement de leur justice peuvent les dieux
recognoistre et recompenser à l'homme apres sa mort ses actions
bonnes et vertueuses : puis que ce sont eux mesmes, qui les
ont acheminées et produites en luy ? Et pourquoy s'offencent
ils et vengent sur luy les vitieuses, puis qu'ils l'ont eux-mesmes
produict en ceste condition fautive, et que d'un seul clin de leur
volonté, ils le peuvent empescher de faillir ? Epicurus
opposeroit-il pas cela à Platon, avec grand' apparence de l'humaine
raison, s'il ne se couvroit souvent par ceste sentence, Qu'il est
impossible d'establir quelque chose de certain, de l'immortelle
nature, par la mortelle ? Elle ne fait que fourvoyer par tout,
mais specialement quand elle se mesle des choses divines. Qui le
sent plus evidemment que nous ? Car encores que nous luy ayons
donné des principes certains et infallibles, encore que nous
esclairions ses pas par la saincte lampe de la verité, qu'il a pleu
à Dieu nous communiquer : nous voyons pourtant journellement,
pour peu qu'elle se démente du sentier ordinaire, et qu'elle se
destourne ou escarte de la voye tracée et battuë par l'Eglise,
comme tout aussi tost elle se perd, s'embarrasse et s'entrave,
tournoyant et flotant dans ceste mer vaste, trouble, et ondoyante
des opinions humaines, sans bride et sans but. Aussi tost qu'elle
pert ce grand et commun chemin, elle se va divisant et dissipant en
mille routes diverses.
    L'homme ne peut estre que ce qu'il est, ny imaginer que selon sa
portée : C'est plus grande presomption, dit Plutarque, à ceux
qui ne sont qu'hommes, d'entreprendre de parler et discourir des
dieux, et des demy-dieux, que ce n'est à un homme ignorant de
musique, vouloir juger de ceux qui chantent : ou à un homme
qui ne fut jamais au camp, vouloir disputer des armes et de la
guerre, en presumant comprendre par quelque legere conjecture, les
effects d'un art qui est hors de sa cognoissance. L'ancienneté
pensa, ce croy-je, faire quelque chose pour la grandeur divine, de
l'apparier à l'homme, la vestir de ses facultez, et estrener de ses
belles humeurs et plus honteuses necessitez : luy offrant de
nos viandes à manger, de nos danses, mommeries et farces à la
resjouïr : de nos vestemens à se couvrir, et maisons à loger,
la caressant par l'odeur des encens et sons de la musique, festons
et bouquets, et pour l'accommoder à noz vicieuses passions, flatant
sa justice d'une inhumaine vengeance : l'esjouïssant de la
ruine et dissipation des choses par elle creées et
conservées : Comme Tiberius Sempronius, qui fit brusler pour
sacrifice à Vulcan, les riches despouïlles et armes qu'il avoit
gaigné sur les ennemis en la Sardeigne : Et Paul Æmyle, celles
de Macedoine, à Mars et à Minerve. Et Alexandre, arrivé à l'Ocean
indigné, jetta en mer en faveur de Thetis, plusieurs grands vases
d'or : Remplissant en outre ses autels d'uneb oucherie non de
bestes innocentes seulement, mais d'hommes aussi : ainsi que
plusieurs nations, et entre autres la nostre, avoyent en usage
ordinaire : Et croy qu'il n'en est aucune exempte d'en avoir
faict essay.
    Sulmone creatos
Quattuor hic juvenes totidem, quos educat Ufens,
Viventes rapit, inferias quos immolet umbris.
    Les Getes se tiennent immortels, et leur mourir n'est que
s'acheminer vers leur Dieu Zamolxis. De cinq en cinq ans ils
depeschent vers luy quelqu'un d'entre eux, pour le requerir des
choses necessaires. Ce deputé est choisi au sort : Et la forme
de le depescher apres l'avoir de bouche informé de sa charge, est,
que de ceux qui l'assistent, trois tiennent debout autant de
javelines, sur lesquelles les autres le lancent à force de bras.
S'il vient à s'enferrer en lieu mortel, et qu'il trespasse soudain,
ce leur est certain argument de faveur divine : s'il en
eschappe, ils l'estiment meschant et execrable, et en deputent
encore un

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