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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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m'agrée, qu'il
feroit desplaisant au ciel mesme, et à se promener dans ces grands
et divins corps celestes, sans l'assistance d'un compaignon.
    Mais il vaut mieux encore estre seul, qu'en compaignie ennuyeuse
et inepte. Aristippus s'aymoit à vivre estranger par tout,
    Me si fata meis paterentur ducere
vitam,
Auspiciis
,
    je choisirois à la passer le cul sur la selle :
    visere gestiens,
Qua parte debacchentur ignes,
Qua nebulæ pluviique rores
.
    Avez-vous pas des passe-temps plus aisez ? dequoy avez-vous
faute ? Vostre maison est-elle pas en bel air et sain,
suffisamment fournie, et capable plus que suffisamment ? La
majesté Royalle y a peu plus d'une fois en sa pompe. Vostre famille
n'en l'aisse-elle pas en reiglement, plus au dessoubs d'elle,
qu'elle n'en a au dessus, en eminence ? Y a il quelque pensée
locale, qui vous ulcere, extraordinaire, indigestible ?
    Quæ te nunc coquat et vexet sub pectore
fixa
.
    Où cuidez-vous pouvoir estre sans empeschement et sans
destourbier ?
Nunquam simpliciter fortuna indulget
.
Voyez donc, qu'il n'y a que vous qui vous empeschez : et vous
vous suivrez par tout, et vous plaindrez par tout. Car il n'y a
satisfaction ça bas, que pour les ames ou brutales ou divines. Qui
n'a du contentement à une si juste occasion, où pense-il le
trouver ? A combien de milliers d'hommes, arreste une telle
condition que la vostre, le but de leurs souhaits ? Reformez
vous seulement : car en cela vous pouvez tout : là où
vous n'avez droict que de patience, envers la fortune.
Nulla
placida quies est, nisi quam ratio composuit
.
    Je voy la raison de cet advertissement, et la voy tresbien. Mais
on auroit plustost faict, et plus pertinemment, de me dire en un
mot : Soyez sage. Ceste resolution, est outre la
sagesse : c'est son ouvrage, et sa production. Ainsi fait le
medecin, qui va criaillant apres un pauvre malade languissant,
qu'il se resjouysse : il luy conseilleroit un peu moins
ineptement, s'il luy disoit : Soyez sain. Pour moy, je ne suis
qu'homme de la commune sorte. C'est un precepte salutaire, certain,
et d'aisee intelligence : Contentez vous du vostre :
c'est à dire, de la raison : l'execution pourtant, n'en est
non plus aux plus sages, qu'en moy : C'est une parole
populaire, mais elle a une terrible estendue : Que ne comprend
elle ? Toutes choses tombent en discretion et
modification.
    Je sçay bien qu'à le prendre à la lettre, ce plaisir de voyager,
porte tesmoignage d'inquietude et d'irresolution. Aussi sont ce nos
maistresses qualitez, et prædominantes. Ouy ; je le
confesse : Je ne vois rien seulement en songe, et par souhait,
où je me puisse tenir : La seule varieté me paye, et la
possession de la diversité : au moins si quelque chose me
paye. A voyager, cela mesme me nourrit, que je me puis arrester
sans interest : et que j'ay où m'en divertir commodément.
J'ayme la vie privee, par ce que c'est par mon choix que je l'ayme,
non par disconvenance à la vie publique : qui est à
l'avanture, autant selon ma complexion. J'en sers plus gayement mon
Prince, par ce que c'est par libre eslection de mon jugement, et de
ma raison, sans obligation particuliere. Et que je n'y suis pas
rejecté, ny contrainct, pour estre irrecevable à tout autre party,
et mal voulu : Ainsi du reste. Je hay les morceaux que la
necessité me taille : Toute commodité me tiendroit à la gorge,
de laquelle seule j'aurois à despendre :
    Alter remus aquas, alter mihi radat
arenas 
:
    Une seule corde ne m'arreste jamais assez. Il y a de la vanité,
dites vous, en cet amusement ? Mais où non ; Et ces beaux
preceptes, sont vanité, et vanité toute la sagesse.
Dominus
novit cogitationes sapientium, quoniam vanæ sunt
. Ces exquises
subtilitez, ne sont propres qu'au presche. Ce sont discours qui
nous veulent envoyer tous bastez en l'autre monde. La vie est ut
mouvement materiel et corporel : action imparfaicte de sa
propre essence, et desreglée : Je m'employe à la servir selon
elle.
    Qiusque suos patimur manes
.
     
    Sic est faciendum, ut contra naturam universam nihil
contendamus : ea tamen conservata, propriam sequamur
. A
quoy faire, ces poinctes eslevées de la philosophie, sur
lesquelles, aucun estre humain ne se peut rasseoir : et ces
regles qui excedent nostre usage et nostre force ? Je voy
souvent qu'on nous propose des images de vie, lesquelles, ny le
proposant, ny les auditeurs, n'ont aucune esperance de suivre, ny
qui plus est, envie. De ce mesme papier

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