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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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à moy-mesme. Mais à peu pres, j'en suis arrivé à ce
que je m'en estois promis : et si ay de beaucoup surmonté, ce
que j'en avois promis à ceux, à qui j'avois à faire : Car je
promets volontiers un peu moins de ce que je puis, et de ce que
j'espere tenir. Je m'asseure, n'y avoir laissé ny offence ny
haine : D'y laisser regret et desir de moy : je sçay à
tout le moins bien cela, que je ne l'ay pas fort affecté :
    me ne huic confidere monstro,
Mene salis placidi vultum, fluctúsque quietos
Ignorare ?

Chapitre 11 Des boyteux
    IL y a deux ou trois ans, qu'on accoursit l'an de dix jours en
France. Combien de changemens doivent suyvre ceste
reformation ! Ce fut proprement remuer le ciel et la terre à
la fois. Ce neantmoins, il n'est rien qui bouge de sa place :
Mes voisins trouvent l'heure de leurs semences, de leur recolte,
l'opportunité de leurs negoces, les jours nuisibles et propices, au
mesme poinct justement, où ils les avoyent assignez de tout temps.
Ny l'erreur ne se sentoit en nostre usage, ny l'amendement ne s'y
sent. Tant il y a d'incertitude par tout : tant nostre
appercevance est grossiere, obscure et obtuse. On dit, que ce
reiglement se pouvoit conduire d'une façon moins incommode :
soustraiant à l'exemple d'Auguste, pour quelques années, le jour du
bissexte : qui ainsi comme ainsin, est un jour d'empeschement
et de trouble : jusques à ce qu'on fust arrivé à satisfaire
exactement ce debte : Ce que mesme on n'a pas faict, par ceste
correction : et demeurons encores en arrerages de quelques
jours : Et si par mesme moyen, on pouvoit prouvoir à
l'advenir, ordonnant qu'apres la revolution de tel ou tel nombre
d'années, ce jour extraordinaire seroit tousjours eclipsé : si
que nostre mesconte ne pourroit d'ores-enavant exceder vingt et
quatre heures. Nous n'avons autre comte du temps, que les
ans : Il y a tant de siecles que le monde s'en sert : et
si c'est une mesure que nous n'avons encore achevé d'arrester. Et
telle, que nous doubtons tous les jours, quelle forme les autres
nations luy ont diversement donné : et quel en estoit l'usage.
Quoy ce que disent aucuns, que les cieux se compriment vers nous en
vieillissant, et nous jettent en incertitude des heures mesme et
des jours ? Et des moys, ce que dit Plutarque : qu'encore
de son temps l'astrologie n'avoit sçeu borner le mouvement de la
lune ? Nous voyla bien accommodez, pour tenir registre des
choses passées.
    Je resvassois presentement, comme je fais souvent, sur ce,
combien l'humaine raison est un instrument libre et vague. Je vois
ordinairement, que les hommes, aux faicts qu'on leur propose,
s'amusent plus volontiers à en chercher la raison, qu'à en chercher
la verité : Ils passent par dessus les presuppositions, mais
ils examinent curieusement les consequences. Ils laissent les
choses, et courent aux causes. Plaisans causeurs. La cognoissance
des causes touche seulement celuy, qui a la conduitte des
choses : non à nous, qui n'en avons que la souffrance. Et qui
en avons l'usage parfaictement plein et accompli, selon nostre
besoing, sans en penetrer l'origine et l'essence. Ny le vin n'en
est plus plaisant à celuy qui en sçait les facultez premieres. Au
contraire : et le corps et l'ame, interrompent et alterent le
droit qu'ils ont de l'usage du monde, et de soy-mesmes, y meslant
l'opinion de science. Les effectz nous touchent, mais les moyens,
nullement. Le determiner et le distribuer, appartient à la
maistrise, et à la regence : comme à la subjection et
apprentissage, l'accepter. Reprenons nostre coustume. Ils
commencent ordinairement ainsi : Comment est-ce que cela se
fait ? mais, se fait-il ? faudroit il dire. Nostre
discours est capable d'estoffer cent autres mondes, et d'en trouver
les principes et la contexture. Il ne luy faut ny matiere ny baze.
Laissez le courre : il bastit aussi bien sur le vuide que sur
le plain, et de l'inanité que de matiere,
    dare pondus idonea fumo
.
    Je trouve quasi par tout, qu'il faudroit dire : Il n'en est
rien. Et employerois souvent ceste responce : mais je
n'ose : car ils crient, que c'est une deffaicte produicte de
foiblesse d'esprit et d'ignorance. Et me faut ordinairement
basteler par compaignie, à traicter des subjects, et contes
frivoles, que je mescrois entierement. Joinct qu'à la verité, il
est un peu rude et quereleux, de nier tout sec, une proposition de
faict : Et peu de gens faillent : notamment aux choses
malaysées à persuader,

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