Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
Vom Netzwerk:
satisfaire par bien-faicts, aux successeurs de ceux
qu'il a desrobez : et s'il n'acheve (car d'y pourvoir tout à
la fois, il ne peut) qu'il en chargera ses heritiers, à la raison
de la science qu'il a luy seul, du mal qu'il a faict à chacun. Par
cette description, soit vraye ou fauce, cettuy-cy regarde le
larrecin, comme action des-honneste, et le hayt, mais moins que
l'indigence : s'en repent bien simplement, mais en tant
qu'elle estoit ainsi contrebalancee et compensee, il ne s'en repent
pas. Cela, ce n'est pas cette habitude, qui nous incorpore au vice,
et y conforme nostre entendement mesme : ny n'est ce vent
impetueux qui va troublant et aveuglant à secousses nostre ame, et
nous precipite pour l'heure, jugement et tout, en la puissance du
vice.
    Je fay coustumierement entier ce que je fay, et marche tout
d'une piece : je n'ay guere de mouvement qui se cache et
desrobe à ma raison, et qui ne se conduise à peu pres, par le
consentement de toutes mes parties : sans division, sans
sedition intestine : mon jugement en a la coulpe, ou la
louange entiere : et la coulpe qu'il a une fois, il l'a
tousjours : car quasi dés sa naissance il est un, mesme
inclination, mesme routte, mesme force. Et en matiere d'opinions
universelles, dés l'enfance, je me logeay au poinct où j'avois à me
tenir.
    Il y a des pechez impetueux, prompts et subits, laissons les à
part : mais en ces autres pechez, à tant de fois reprins,
deliberez, et consultez, ou pechez de complexion, ou pechez de
profession et de vacation : je ne puis pas concevoir, qu'ils
soient plantez si long temps en un mesme courage, sans que la
raison et la conscience de celuy qui les possede, le vueille
constamment, et l'entende ainsin : Et le repentir qu'il se
vante luy en venir à certain instant prescript, m'est un peu dur à
imaginer et former.
    Je ne suy pas la secte de Pythagoras, que les hommes prennent
une ame nouvelle, quand ils approchent des simulacres des Dieux,
pour recueillir leurs oracles : Sinon qu'il voulust dire cela
mesme, qu'il faut bien qu'elle soit estrangere, nouvelle, et
prestee pour le temps : la nostre montrant si peu de signe de
purification et netteté condigne à cet office.
    Ils font tout à l'opposite des preceptes Stoiques : qui
nous ordonnent bien, de corriger les imperfections et vices que
nous recognoissons en nous, mais nous defendent d'en alterer le
repos de nostre ame. Ceux-cy nous font à croire, qu'ils en ont
grande desplaisance, et remors au dedans, mais d'amendement et
correction ny d'interruption, ils ne nous en font rien apparoir. Si
n'est-ce pas guerison, si on ne se descharge du mal : Si la
repentance pesoit sur le plat de la balance, elle emporteroit le
peché. Je ne trouve aucune qualité si aysee à contrefaire, que la
devotion, si on n'y conforme les moeurs et la vie : son
essence est abstruse et occulte, les apparences faciles et
pompeuses.
    Quant à moy, je puis desirer en general estre autre : je
puis condamner et me desplaire de ma forme universelle, et supplier
Dieu pour mon entiere reformation, et pour l'excuse de ma foiblesse
naturelle : mais cela, je ne le doibs nommer repentir, ce me
semble, non plus que le desplaisir de n'estre ny Ange ny Caton. Mes
actions sont reglees, et conformes à ce que je suis, et à ma
condition. Je ne puis faire mieux : et le repentir ne touche
pas proprement les choses qui ne sont pas en nostre force :
ouy bien le regret. J'imagine infinies natures plus hautes et plus
reglees que la mienne : Je n'amende pourtant mes
facultez : comme ny mon bras, ny mon esprit, ne deviennent
plus vigoureux, pour en concevoir un autre qui le soit. Si
l'imaginer et desirer un agir plus noble que le nostre, produisoit
la repentance du nostre, nous aurions à nous repentir de nos
operations plus innocentes : d'autant que nous jugeons bien
qu'en la nature plus excellente, elles auroyent esté conduictes
d'une plus grande perfection et dignité : et voudrions faire
de mesme. Lors que je consulte des deportemens de ma jeunesse avec
ma vieillesse, je trouve que je les ay communement conduits avec
ordre, selon moy. C'est tout ce que peut ma resistance. Je ne me
flatte pas : à circonstances pareilles, je seroy tousjours
tel. Ce n'est pas macheure, c'est plustost une teinture universelle
qui me tache. Je ne cognoy pas de repentance superficielle,
moyenne, et de ceremonie. Il faut qu'elle me touche de toutes
parts, avant que je la nomme ainsin : et qu'elle pinse mes
entrailles,

Weitere Kostenlose Bücher