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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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Les plus griefs et ordinaires
maux, sont ceux que la fantasie nous charge. Ce mot Espagnol me
plaist à plusieurs visages :
Defienda me Dios de my
.
Je plains estant malade, dequoy je n'ay quelque desir qui me donne
ce contentement de l'assouvir : à peine m'en destourneroit la
medecine. Autant en fay-je sain : Je ne voy guere plus
qu'esperer et vouloir. C'est pitié d'estre alanguy et affoibly,
jusques au souhaiter.
    L'art de medecine, n'est pas si resolue, que nous soyons sans
authorité, quoy que nous facions. Elle change selon les climats, et
selon les Lunes : selon Fernel et selon l'Escale. Si vostre
medecin ne trouve bon, que vous dormez, que vous usez de vin, ou de
telle viande : Ne vous chaille : je vous en trouveray un
autre qui ne sera pas de son advis. La diversité des arguments et
opinions medicinales, embrasse toute sorte de formes. Je vis un
miserable malade, crever et se pasmer d'alteration, pour se
guarir : et estre moqué depuis par un autre medecin :
condamnant ce conseil comme nuisible. Avoit-il pas bien employé sa
peine ? Il est mort freschement de la pierre, un homme de ce
mestier, qui s'estoit servy d'extreme abstinence à combattre son
mal : ses compagnons disent, qu'au rebours, ce jeusne l'avoit
asseché, et luy avoit cuit le sable dans les rongnons.
    J'ay apperceu qu'aux blesseures, et aux maladies, le parler
m'esmeut et me nuit, autant que desordre que je face. La voix me
couste, et me lasse : car je l'ay haute et efforcée : Si
que, quand je suis venu à entretenir l'oreille des grands,
d'affaires de poix, je les ay mis souvent en soing de moderer ma
voix. Ce compte merite de me divertir. Quelqu'un, en certaine
eschole Grecque, parloit haut comme moy : le maistre des
ceremonies luy manda qu'il parlast plus bas : Qu'il m'envoye,
fit-il, le ton auquel il veut que je parle. L'autre luy repliqua,
qu'il prinst son ton des oreilles de celuy à qui il parloit.
C'estoit bien dit, pourveu qu'il s'entende : Parlez selon ce
que vous avez affaire à vostre auditeur. Car si c'est à dire,
suffise vous qu'il vous oye : ou, reglez vous par luy :
je ne trouve pas que ce fust raison. Le ton et mouvement de la
voix, a quelque expression, et signification de mon sens :
c'est à moy à le conduire, pour me representer. Il y a voix pour
instruire, voix pour flater, ou pour tancer. Je veux que ma voix
non seulement arrive à luy, mais à l'avanture qu'elle le frappe, et
qu'elle le perse. Quand je mastine mon laquay, d'un ton aigre et
poignant : il seroit bon qu'il vinst à me dire : Mon
maistre parlez plus doux, je vous oy bien.
Est quædam vox ad
auditum accommodata, non magnitudine, sed proprietate
. La
parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui l'escoute.
Cestuy-cy se doibt preparer à la recevoir, selon le branle qu'elle
prend. Comme entre ceux qui joüent à la paume, celuy qui soustient,
se desmarche et s'appreste, selon qu'il voit remuer celuy qui luy
jette le coup, et selon la forme du coup.
    L'experience m'a encores appris cecy, que nous nous perdons
d'impatience. Les maux ont leur vie, et leurs bornes, leurs
maladies et leur santé : La constitution des maladies, est
formée au patron de la constitution des animaux. Elles ont leur
fortune limitée dés leur naissance : et leurs jours. Qui
essaye de les abbreger imperieusement, par force, au travers de
leur course, il les allonge et multiplie : et les harselle, au
lieu de les appaiser. Je suis de l'advis de Crantor, qu'il ne faut
ny obstinéement s'opposer aux maux, et à l'estourdi : ny leur
succomber de mollesse : mais qu'il leur faut ceder
naturellement, selon leur condition et la nostre. On doit donner
passage aux maladies : et je trouve qu'elles arrestent moins
chez moy, qui les laisse faire. Et en ay perdu de celles qu'on
estime plus opiniastres et tenaces, de leur propre decadence :
sans ayde et sans art, et contre ses reigles. Laissons faire un peu
à nature : elle entend mieux ses affaires que nous. Mais un
tel en mourut. Si ferez vous : sinon de ce mal là, d'un autre.
Et combien n'ont pas laissé d'en mourir, ayants trois medecins à
leur cul ? L'exemple est un miroüer vague, universel et à tout
sens. Si c'est une medecine voluptueuse, acceptez la ; c'est
tousjours autant de bien present. Je ne m'arresteray ny au nom ny à
la couleur, si elle est delicieuse et appetissante : Le
plaisir est des principales especes du profit.
    J'ay laissé envieillir et mourir en moy, de mort naturelle,

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