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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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temps avec la santé.
    Je suis obligé à la fortune, dequoi elle m'assaut si souvent de
mesme sorte d'armes : Elle m'y façonne, et m'y dresse par
usage, m'y durcit et habitue : je sçay à peu pres mes-huy, en
quoy j'en dois estre quitte. A faute de memoire naturelle, j'en
forge de papier. Et comme quelque nouveau symptome survient à mon
mal, je l'escris : d'où il advient, qu'à cette heure, estant
quasi passé par toute sorte d'exemples : si quelque
estonnement me menace : feuilletant ces petits brevets
descousus, comme des feuilles Sybillines, je ne faux plus de
trouver où me consoler, de quelque prognostique favorable, en mon
experience passée. Me sert aussi l'accoustumance, à mieux esperer
pour l'advenir. Car la conduicte de ce vuidange, ayant continué si
long temps ; il est à croire, que nature ne changera point ce
train, et n'en adviendra autre pire accident, que celuy que je
sens. En outre ; la condition de cette maladie n'est point mal
advenante à ma complexion prompte et soudaine. Quand elle m'assault
mollement, elle me faict peur, car c'est pour long temps :
Mais naturellement, elle a des excez vigoureux et gaillarts. Elle
me secouë à outrance, pour un jour ou deux. Mes reins ont duré un
aage, sans alteration ; il y en a tantost un autre, qu'ils ont
changé d'estat. Les maux ont leur periode comme les biens : à
l'advanture est cet accident à sa fin. L'aage affoiblit la chaleur
de mon estomach ; sa digestion en estant moins parfaicte, il
renvoye cette matiere cruë à mes reins. Pourquoy ne pourra estre à
certaine revolution, affoiblie pareillement la chaleur de mes
reins ; si qu'ils ne puissent plus petrifier mon flegme ;
et nature s'acheminer à prendre quelque autre voye de
purgation ? Les ans m'ont evidemment faict tarir aucuns
rheumes ; Pourquoy non ces excremens, qui fournissent de
matiere à la grave ?
    Mais est-il rien doux, au prix de cette soudaine mutation ;
quand d'une douleur extreme, je viens par le vuidange de ma pierre,
à recouvrer, comme d'un esclair, la belle lumiere de la
santé : si libre, et si pleine : comme il advient en noz
soudaines et plus aspres coliques ? Y a il rien en cette
douleur soufferte, qu'on puisse contrepoiser au plaisir d'un si
prompt amendement ? De combien la santé me semble plus belle
apres la maladie, si voisine et si contigue, que je les puis
recognoistre en presence l'une de l'autre, en leur plus hault
appareil : où elles se mettent à l'envy, comme pour se faire
teste et contrecarre ! Tout ainsi que les Stoïciens disent,
que les vices sont utilement introduicts, pour donner prix et faire
espaule à la vertu : nous pouvons dire, avec meilleure raison,
et conjecture moins hardie, que nature nous a presté la douleur,
pour l'honneur et service de la volupté et indolence. Lors que
Socrates apres qu'on l'eust deschargé de ses fers, sentit la
friandise de cette demangeaison, que leur pesanteur avoit causé en
ses jambes : il se resjouit, à considerer l'estroitte alliance
de la douleur à la volupté : comme elles sont associées d'une
liaison necessaire : si qu'à tours, elles se suyvent, et
entr'engendrent : Et s'escrioit au bon Esope, qu'il deust
avoir pris, de cette consideration, un corps propre à une belle
fable.
    Le pis que je voye aux autres maladies, c'est qu'elles ne sont
pas si griefves en leur effect, comme elles sont en leur yssue. On
est un an à se ravoir, tousjours plein de foiblesse, et de crainte.
Il y a tant de hazard, et tant de degrez, à se reconduire à
sauveté, que ce n'est jamais faict. Avant qu'on vous aye deffublé
d'un couvrechef, et puis d'une calote, avant qu'on vous aye rendu
l'usage de l'air, et du vin, et de vostre femme, et des melons,
c'est grand cas si vous n'estes recheu en quelque nouvelle misere.
Cette-cy a ce privilege, qu'elle s'emporte tout net. Là où les
autres laissent tousjours quelque impression, et alteration, qui
rend le corps susceptible de nouveau mal, et se prestent la main
les uns aux autres. Ceux la sont excusables, qui se contentent de
leur possession sur nous, sans l'estendre, et sans introduire leur
sequele : Mais courtois et gratieux sont ceux, de qui le
passage nous apporte quelque utile consequence. Depuis ma colique,
je me trouve deschargé d'autres accidens : plus ce me semble
que je n'estois auparavant, et n'ay point eu de fiebvre depuis.
J'argumente, que les vomissemens extremes et frequents que je
souffre, me purgent : et d'autre costé, mes

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