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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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vostre valet :
S'il nous en reste en gros, dequoy faire nostre effect, cet excez
de la liberalité de la fortune, laissons le un peu plus courre à sa
mercy : La portion du glanneur. Apres tout, je ne prise pas
tant la foy de mes gents, comme je mesprise leur injure. O le
vilain et sot estude, d'estudier son argent, se plaire à le manier
et recomter ! c'est par là, que l'avarice faict ses
approches.
    Dépuis dix-huict ans, que je gouverne des biens, je n'ay sçeu
gaigner sur moy, de voir, ny tiltres, ny mes principaux affaires,
qui ont necessairement à passer par ma science, et par mon soing.
Ce n'est pas un mespris philosophique, des choses transitoires et
mondaines : je n'ay pas le goust si espuré, et les prise pour
le moins ce qu'elles valent : mais certes c'est paresse et
negligence inexcusable et puerile. Que ne feroy je plustost que de
lire un contract ? Et plustost, que d'aller secoüant ces
paperasses poudreuses, serf de mes negoces ? ou encore pis, de
ceux d'autruy, comme font tant de gents à prix d'argent. Je n'ay
rien cher que le soucy et la peine : et ne cherche qu'à
m'anonchalir et avachir.
    J'estoy, ce croi-je, plus propre, à vivre de la fortune
d'autruy, s'il se pouvoit, sans obligation et sans servitude. Et si
ne sçay, à l'examiner de pres ; si selon mon humeur et mon
sort, ce que 'iay à souffrir des affaires, et des serviteurs, et
des domestiques, n'a point plus d'abjection, d'importunité, et
d'aigreur, que n'auroit la suitte d'un homme, nay plus grand que
moy, qui me guidast un peu à mon aise.
Servitus obedientia est
fracti animi et abjecti, arbitrio carentis suo 
: Crates
fit pis, qui se jetta en la franchise de la pauvreté, pour se
deffaire des indignitez et cures de la maison. Cela ne ferois-je
pas : Je hay la pauvreté à pair de la douleur : mais ouy
bien, changer cette sorte de vie, à une autre moins brave, et moins
affaireuse.
    Absent, je me despouille de tous tels pensemens : et
sentirois moins lors la ruyne d'une tour, que je ne fais present,
la cheute d'une ardoyse. Mon ame se démesle bien ayséement à part,
mais en presence, elle souffre, comme celle d'un vigneron. Une rene
de travers à mon cheval, un bout d'estriviere qui batte ma jambe,
me tiendront tout un jour en eschec. J'esleve assez mon courage à
l'encontre des inconveniens, les yeux, je ne puis.
    Sensus ô superi sensus !
    Je suis chez moy, respondant de tout ce qui va mal. Peu de
maistres, je parle de ceux de moyenne condition, comme est la
mienne : et s'il en est, ils sont plus heureux : se
peuvent tant reposer, sur un second, qu'il ne leur reste bonne part
de la charge. Cela oste volontiers quelque chose de ma façon, au
traittement des survenants : et en ay peu arrester quelcun par
adventure plus par ma cuisine, que par ma grace : comme font
les fascheux : et oste beaucoup du plaisir que je devrois
prendre chez moy, de la visitation et assemblees de mes amys. La
plus sotte contenance d'un gentil-homme en sa maison, c'est de le
voir empesché du train de sa police ; parler à l'oreille d'un
valet, en menacer un autre des yeux. Elle doit couler
insensiblement, et representer un cours ordinaire. Et treuve laid,
qu'on entretienne ses hostes, du traictement qu'on leur fait,
autant à l'excuser qu'à le vanter. J'ayme l'ordre et la
netteté,
    et cantharus et lanx,
Ostendunt mihi me
,
    au prix de l'abondance : et regarde chez moy exactement à
la necessité, peu à la parade. Si un valet se bat chez autruy, si
un plat se verse, vous n'en faites que rire : vous dormez ce
pendant que monsieur renge avec son maistre d'hostel, son faict,
pour vostre traictement du lendemain.
    J'en parle selon moy : Ne laissant pas en general
d'estimer, combien c'est un doux amusement à certaines natures,
qu'un mesnage paisible, prospere, conduict par un ordre reglé. Et
ne voulant attacher à la chose, mes propres erreurs et
inconvenients. Ny desdire Platon, qui estime la plus heureuse
occupation à chascun, faire ses particuliers affaires sans
injustice.
    Quand je voyage, je n'ay à penser qu'à moy, et à l'emploicte de
mon argent : cela se dispose d'un seul precepte. Il est requis
trop de parties à amasser : je n'y entens rien : A
despendre, je m'y entens un peu, et à donner jour à ma
despence : qui est de vray son principal usage. Mais je m'y
attens trop ambitieusement ; qui la rend inegalle et
difforme : et en outre immoderee en l'un et l'autre visage. Si
elle paroist, si elle sert, je m'y laisse

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