Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
Vom Netzwerk:
diroit ce, qu'il en croid.
Mais, estant desja receuë, il en dira selon l'usage, plus que selon
nature.
    Non par opinion, mais en verité, l'excellente et meilleure
police, est à chacune nation, celle soubs laquelle elle s'est
maintenuë. Sa forme et commodité essentielle despend de l'usage.
Nous nous desplaisons volontiers de la condition presente :
Mais je tiens pourtant, que d'aller desirant le commandement de
peu, en un estat populaire : ou en la monarchie, une autre
espece de gouvernement, c'est vice et folie.
    Ayme l'estat tel que tu le vois estre,
S'il est royal, ayme la royauté,
S'il est de peu, ou bien communauté,
Ayme l'aussi, car Dieu t'y a faict naistre
.
    Ainsi en parloit le bon monsieur de Pibrac, que nous venons de
perdre : un esprit si gentil, les opinions si saines, les
moeurs si douces. Cette perte, et celle qu'en mesme temps nous
avons faicte de monsieur de Foix, sont pertes importantes à nostre
couronne. Je ne sçay s'il reste à la France dequoy substituer une
autre coupple, pareille à ces deux Gascons, en syncerité, et en
suffisance, pour le conseil de nos Roys. C'estoyent ames
diversement belles, et certes selon le siecle, rares et belles,
chacune en sa forme. Mais qui les avoit logees en cet aage, si
desconvenables et si disproportionnees à nostre corruption, et à
nos tempestes ?
    Rien ne presse un estat que l'innovation : le changement
donne seul forme à l'injustice, et à la tyrannie. Quand quelque
piece se démanche, on peut l'estayer : on peut s'opposer à ce,
que l'alteration et corruption naturelle à toutes choses, ne nous
esloigne trop de nos commencemens et principes : Mais
d'entreprendre à refondre une si grande masse, et à changer les
fondements d'un si grand bastiment, c'est à faire à ceux qui pour
descrasser effacent : qui veulent amender les deffauts
particuliers, par une confusion universelle, et guarir les maladies
par la mort :
non tam commutandarum quam evertendarum
rerum cupidi
. Le monde est inepte à se guarir : Il est si
impatient de ce qui le presse, qu'il ne vise qu'à s'en deffaire,
sans regarder à quel prix. Nous voyons par mille exemples, qu'il se
guarit ordinairement à ses despens : la descharge du mal
present, n'est pas guarison, s'il n'y a en general amendement de
condition.
    La fin du Chirurgien, n'est pas de faire mourir la mauvaise
chair : ce n'est que l'acheminement de sa cure : il
regarde au delà, d'y faire renaistre la naturelle, et rendre la
partie à son deu estre. Quiconque propose seulement d'emporter ce
qui le masche, il demeure court : car le bien ne succede pas
necessairement au mal : un autre mal luy peut succeder, et
pire. Comme il advint aux tueurs de Cesar, qui jetterent la chose
publique à tel poinct, qu'ils eurent à se repentir de s'en estre
meslez. A plusieurs, depuis, jusques à nos siecles, il est advenu
de mesmes. Les François mes contemporanees sçavent bien qu'en dire.
Toutes grandes mutations esbranlent l'estat, et le
desordonnent.
    Qui viseroit droit à la guarison, et en consulteroit avant toute
oeuvre, se refroidiroit volontiers d'y mettre la main. Pacuvius
Calavius corrigea le vice de ce proceder, par un exemple insigne.
Ses concitoyens estoient mutinez contre leurs magistrats : luy
personnage de grande authorité en la ville de Capouë, trouva un
jour moyen d'enfermer le Senat dans le Palais : et convoquant
le peuple en la place, leur dit : Que le jour estoit venu,
auquel en pleine liberté ils pouvoient prendre vengeance des Tyrans
qui les avoyent si long temps oppressez, lesquels il tenoit à sa
mercy seuls et desarmez. Fut d'advis, qu'au sort on les tirast
hors, l'un apres l'autre : et de chacun on ordonnast
particulierement : faisant sur le champ, executer ce qui en
seroit decreté : pourveu aussi que tout d'un train ils
advisassent d'establir quelque homme de bien, en la place du
condamné, affin qu'elle ne demeurast vuide d'officier. Ils n'eurent
pas plustost ouy le nom d'un Senateur, qu'il s'esleva un cry de
mescontentement universel à l'encontre de luy : Je voy bien,
dit Pacuvius, il faut demettre cettuy-cy : c'est un
meschant : ayons en un bon en change. Ce fut un prompt
silence : tout le monde se trouvant bien empesché au choix. Au
premier plus effronté, qui dit le sien : voyla un consentement
de voix encore plus grand à refuser celuy là : Cent
imperfections, et justes causes, de le rebuter. Ces humeurs
contradictoires, s'estans eschauffees, il advint encore pis du
second

Weitere Kostenlose Bücher