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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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fille vêtue d’une robe miteuse ne possède pas d’objets en peau de chagrin. À cela s’ajoutait qu’elle était en train de compter les billets. Bien entendu, quand elle avait prétendu chercher l’adresse du propriétaire afin de lui rapporter son argent, ils n’en avaient pas cru un mot. Son histoire ne tenait pas debout, mais sur le moment, il ne lui en était pas venu de meilleure.
    Pour comble d’ironie, elle avait cette fois bel et bien trouvé le portefeuille. Il traînait par terre devant le Quadri , à moitié dissimulé par une Gazzetta di Venezia imbibée d’eau. Elle n’avait eu qu’à se baisser pour le ramasser et se reprochait seulement de l’avoir fouillé sur place, une erreur de débutante. D’un autre côté, le brouillard était tel qu’elle n’avait pas cru prendre de risques et ne s’était pas attendue à voir deux gardiens de la paix débarquer à l’improviste.
    La porte s’ouvrit et le sergent qui l’avait introduite dans la cellule cria un nom. En redressant la tête, elle aperçut du coin de l’œil un jeune homme qui se leva du banc sur la gauche et se fraya un chemin à travers la masse des prisonniers. En une heure et demie, elle avait compté deux arrivées et deux départs. Les appels ne répondaient à aucune logique. Elle se demanda si elle allait encore devoir rester longtemps à grelotter par terre.
     
    Le temps commençait à presser. Elle s’était fait arrêter à neuf heures et venait d’entendre la cloche de San Lorenzo sonner onze coups. Si elle n’était pas rentrée pour le déjeuner, elle aurait droit à des questions très désagréables. Le pire serait que deux policiers la ramènent chez elle. Signora Zuliani entrerait dans une terrible fureur et inventerait des punitions abominables, le seul domaine où elle fît preuve d’imagination. Angelina tremblait déjà de se voir renvoyée à l’Istituto delle Zitelle, voire confinée dans la tristement célèbre maison de correction aux allures de prison. Elle n’y survivrait pas. La jeune fille posa le menton sur ses genoux et se mordit la lèvre inférieure avec rage. Quelle terrible injustice ! Elle n’avait même pas dérobé le portefeuille, elle l’avait seulement ramassé .
    Le vieil homme à ses côtés s’était arraché à la contemplation de ses chaussures et avait relevé la tête. Il se tourna en grommelant vers la femme au maquillage criard. Manifestement, ils se connaissaient. Elle répondit par un signe, tira une bouteille du sac posé sur ses cuisses et la lui tendit. Il en but une généreuse rasade, poussa un rot tonitruant et lui rendit son bien accompagné d’une pièce – petit négoce entre amis.
    Soudain, Angelina éclata de rire. Elle se remit sur ses jambes, étonnée de ne pas avoir songé plus tôt à cette solution, lissa le bas de sa robe chiffonné, se faufila entre les prisonniers et tapa trois fois contre la porte en bois. Comme personne ne vint ouvrit, elle donna trois autres coups au bout de plusieurs instants. Après une nouvelle tentative, un sergent apparut et lui jeta un regard furieux. Elle s’en moquait. Le visage bouffi du policier tirait sur le jaune d’œuf brouillé. Elle ne lui laissa pas le temps de prendre la parole.
    — Je souhaite faire une déclaration sur le meurtre du rio della Verona, dit-elle d’une voix ferme.
    Puis elle ajouta :
    — Mais uniquement au commissaire chargé de l’enquête.
    Elle ignorait s’il existait un commissaire chargé de l’enquête , mais la formule sonnait bien et le père Maurice lui avait appris qu’il valait toujours mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints. Quand il rencontrait un problème dans son église, il écrivait d’emblée au Vatican. À en juger par la stupéfaction qui se peignit sur le visage du policier, elle regretta de ne pas avoir carrément demandé le commandant en chef.
     
    Debout à la vitre de son bureau, Tron scrutait une ombre fantomatique se déplaçant avec lenteur de gauche à droite dans le brouillard qui recouvrait le rio di San Lorenzo. Un bateau ? Un monstre marin ? Lohengrin ? Les aboiements qui remontèrent jusqu’à lui le firent pencher pour une gondole ou un sandalo . Avec un chien à bord.
    Sa main droite était posée sur l’appui de la fenêtre. Dans la gauche, il tenait, roulé en tuyau, le rapport de Bossi qu’il avait trouvé sur son bureau à son arrivée. Depuis qu’il avait l’intention de passer le concours d’inspecteur, le sergent

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