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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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du sigisbée, le chevalier servant d’une femme mariée, parfaitement toléré par la société vénitienne – à ce détail près que la princesse de Montalcino était veuve. Comme ils n’avaient pas organisé de fiançailles officielles, on ne les importunait pas avec la date de leurs noces – à l’exception de la comtesse, bien sûr, qui les pressait sans relâche de s’unir.
    Quatre jours par semaine, Tron dînait chez la princesse et passait la nuit au palais Balbi-Valier. Quand ils ne sortaient pas, la soirée se déroulait de façon presque immuable. À sept heures précises, Moussada et Massouda (ou Wassouda et Woussada) servaient le repas. Suivait un confortable tête-à-tête dans le salon. En général, la princesse étudiait des dossiers en fumant cigarette sur cigarette et le commissaire préparait le prochain numéro de sa revue. Ses pantoufles en feutre et sa veste d’appartement en velours rouge produisaient une impression de relation quasi maritale – renforcée par un certain nombre de querelles récurrentes tel que le rattachement de Venise au tout jeune royaume italien.
    La princesse approuvait l’idée de l’annexion pour des raisons économiques et traitait d’absurde sentimentalisme les rêves séparatistes auxquels Tron s’accrochait, même s’il devait admettre qu’avec ses implacables traits à l’encre rouge, elle incarnait le bon sens commercial qui avait fait la fortune de la ville tandis que lui-même, avec sa redingote élimée, son palais en ruine et le tirage minable de sa revue, représentait plutôt la décadence de la cité lacustre.
    Quoi qu’il en soit, il la trouvait tout simplement splendide quand elle ôtait, comme à présent, le binocle pincé sur son nez sans défaut, étendait ses longues jambes, s’étirait avec volupté et fermait les paupières.
    —  Ils prennent en songeant les nobles attitudes… dit-il avec un sourire en posant le manuscrit sur le canapé.
    Elle tourna la tête et dirigea vers lui ses yeux verts.
    — De qui veux-tu parler ?
    — Des chats dans un poème que je suis en train de lire. Et de toi sur la méridienne.
    — Un poème de qui ?
    — De Baudelaire. Pour un numéro spécial de la revue.
    Elle haussa les sourcils.
    — Vous consacrez un numéro spécial à Charles Baudelaire ?
    — Tu le connais ? demanda-t-il d’une voix étonnée.
    Mon Dieu, cette question ne risquait-elle pas de paraître arrogante ?
    Si, assurément. La princesse répondit avec une extrême froideur :
    — Tu sembles croire que je ne lis que des dossiers.
    Puis, après une petite pause, elle ajouta :
    — Je le connais de Paris.
    La formulation était ambiguë. Comment exclure qu’elle l’ait rencontré ? Elle était la reine des surprises.
    — Tu le connais en personne  ?
    Son visage resta imperturbable, mais sa voix traduisait une évidente satisfaction. Après avoir tiré sur sa cigarette, elle laissa tomber sur un ton badin :
    — Je l’ai croisé lors d’une fête dans un atelier du Quartier latin. Un bel homme – charmant, bien rasé, en redingote noire, très poli. Et toujours en panne d’argent, à ce qu’on raconte.
    Elle jeta un regard sceptique de l’autre côté de la table.
    — Tu es sûr de convaincre la censure avec un numéro sur Baudelaire ?
    Il sourit.
    — Mon problème est plutôt que la commission nous ignore depuis des années.
    — Tu cherches à la provoquer ?
    — Une interdiction de temps à autre ne saurait nuire à notre réputation. Au fait, hier, nous avons reçu votre facture.
    Il fronça les sourcils.
    — Et alors ? demanda-t-elle.
    — Le montant dépasse de beaucoup ce que nous avions convenu.
    — Impossible ! Je l’ai signée moi-même.
    — Nous avions négocié quatre lires par exemplaire. Or vous en retenez cinq !
    — Nous avions établi le devis sur la base de cinq cents, expliqua-t-elle d’une voix neutre et machinale, comme si elle expliquait le b.a.-ba de la comptabilité. Or, la semaine dernière, l’imprimerie a reçu un courrier rectificatif réduisant le tirage à trois cents. Cela change tout ! Nos frais par exemplaire sont plus élevés. Donc, nous avons dû revoir le calcul.
    — On aurait pu nous le signaler.
    Cette objection valut à Tron un coup d’œil rempli d’incompréhension.
    — Tu avais la liste des prix ! Si tu avais voulu, tu aurais vu que nos tarifs sont échelonnés. Comme dans n’importe quelle imprimerie.
    — Il y a deux mois, tu

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