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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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point par point le déroulement de la nuit. Ce bilan se refusait à toute spéculation, n’enjolivait ni n’expliquait rien, mais se contentait d’offrir une description des événements aussi minutieuse que possible.
    Même à propos du sang sur le mur, le commissaire faisait preuve d’une extrême réserve. Il pouvait s’agir, avait-il estimé, d’un message codé ou bien ces lettres et ces chiffres n’offraient strictement aucun sens, n’étaient que le fruit du hasard, produit d’un esprit déjà endeuillé par sa mort prochaine. La deuxième hypothèse plaisait beaucoup à Maximilien qui ne croyait pas à la fatalité. Son frère, par exemple, voyait partout un sens profond – surtout dans le fait que le destin l’avait choisi pour empereur aux dépens de son cadet, ce qui était vraiment le comble de l’absurde.
    Et pourtant, dans le cas présent, on constaterait que ni l’une ni l’autre de ces deux conjectures ne se vérifiait. Il ne s’agissait pas d’un code et pas d’un hasard. Quand on regardait les choses sous le bon angle (que l’archiduc trouvait à vrai dire évident), la lecture du message ne présentait plus aucune difficulté. Simplement, personne n’y avait songé avant lui. Il ricana. Au fond, ce constat ne confirmait qu’une lapalissade : certains étaient doués et d’autres pas.
    À cela s’ajoutaient quelques découvertes intéressantes de Beust qui, d’une certaine façon, ajoutaient la dernière touche au tableau. Dans l’état actuel des choses, il s’imposait de se débarrasser du coupable, c’est-à-dire de le prendre la main dans le sac ou, si possible, le bras tout entier. Voilà le rôle qui allait échoir au commissaire. L’échec de sa première intervention, se dit Maximilien, l’inciterait sans doute à amender sa faute, même si cette nouvelle mission risquait d’être un peu plus délicate.
    L’archiduc posa le verre vide et ferma le dernier bouton de sa veste. Un ultime regard dans le miroir lui donna satisfaction. Il y vit un homme assez grand, vêtu d’un uniforme de contre-amiral, aux traits hardis, presque augustes. Si le commissaire l’appelait Majesté , il ne protesterait pas. Devait-il lui offrir une coupe ? Non. Mieux valait éviter.
    Certaines personnes trouvaient à redire au champagne en plein après-midi. Lors de leur dernière rencontre, François-Joseph lui avait tenu tout un discours à ce sujet et n’avait pas hésité à lui rappeler le coût d’un tel luxe. Mais son empereur de frère, s’entêta-t-il à penser, ignorait ce que c’était de se trouver dans une pièce remplie de gaz avec la crainte qu’un imbécile ne craque une allumette. Il ne pouvait pas comprendre que, dans de telles circonstances, on jouissait du droit naturel de se détendre.
    À quatre heures pile, Maximilien s’installa dans le grand salon du Novara et s’accorda par précaution un petit verre de sherry. Cinq minutes plus tard, il aperçut par le hublot un homme portant une redingote démodée et un haut-de-forme bosselé qui gravissait la passerelle du yacht – le commissaire Tron en marche vers de nouvelles aventures.

35
    — J’avais cru, conclut le commissaire, que Gutiérrez accepterait d’échanger ses photographies contre les nôtres.
    Du moins l’avait-il cru jusqu’à ce que les cartes soient de nouveau battues et le forcent à admettre que l’ambassadeur ne pouvait pas posséder les clichés puisqu’il n’était pas leur homme. Dans cette partie, estimait Tron, la donne changeait toutes les vingt-quatre heures. L’enquête lui rappelait de plus en plus un kaléidoscope dont l’image se modifiait à chaque rotation.
    Peu après que le steward eut apporté du café et des biscuits, Beust avait fait son apparition. Il portait comme d’habitude son gilet pourpre. La chaîne de montre en or brillait sous sa redingote grise. De même que deux jours auparavant, ils étaient maintenant assis tous les trois autour de la table en acajou fixée dans le plancher du Novara .
    L’archiduc ne semblait guère surpris par la nouvelle que le commissaire venait de lui annoncer. Il trempa les lèvres dans son sherry et considéra Tron, les yeux plissés, à travers le verre de son monocle.
    — Pensez-vous qu’il a refusé parce que cet échange équivaudrait à un aveu ?
    Tron secoua la tête.
    — Non. Il aurait pu prétendre savoir où se les procurer tout en refusant de trahir son contact.
    — Un procédé peu crédible, objecta

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