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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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l’ Emporio della Poesia , c’est-à-dire depuis trente ans, la revue essuyait un refus. Et cela, non pas à cause des Fleurs du mal , mais des poèmes bricolés par Spaur. Quelle farce !
    Le commandant en chef lisait le jugement, reçu la veille au soir, d’une voix pathétique où se mêlaient la colère et la révolte. Il abordait à présent le dernier paragraphe : « Les connotations phalliques de ce poème, en particulier, sont susceptibles de blesser de manière grave la sensibilité morale du peuple et de porter atteinte aux fondements de la foi chrétienne. La publication se voit par conséquent refusée. » Pendant un instant, il sembla plongé dans une intense réflexion. Puis il demanda :
    — Que veut-il dire par connotations phalliques  ?
    Tron toussota.
    — Des allusions au membre viril, baron.
    Le commandant ne comprit pas tout de suite. On pouvait presque entendre tourner les rouages de son cerveau. Au bout d’un moment, il jeta un regard interloqué de l’autre côté du bureau.
    — Vous êtes sûr, commissaire ?
    Tron hocha la tête.
    — Le lieutenant Malparzer a sans doute été choqué par la strophe sur les plumes de paon, la queue déployée de plaisir. Ce passage a dû lui paraître ambigu.
    Le poète autrichien en resta bouche bée.
    — Ce n’est pas ce que je voulais dire !
    « Je m’en doute », pensa Tron. Il n’avait rien voulu dire du tout puisqu’il s’était contenté de recopier. Au fait, pouvait-il maintenant lui demander l’origine de ces vers ? Non, il ne valait mieux pas.
    — Vous auriez dû attirer mon attention sur ce point, commissaire.
    — Par principe, je m’interdis toute immixtion dans l’œuvre de mes auteurs, décréta Tron d’un ton sec. Ce n’est pas le genre de l’ Emporio . Néanmoins, nous pourrions songer à modifier avec doigté les vers en question.
    C’est-à-dire choisir des mots aux sonorités voisines. Ou recopier un autre poème. Le problème n’était pas là. Toutefois, Spaur secoua la tête d’un geste énergique.
    — Par malheur, ce n’est pas possible.
    — Pourquoi cela ?
    — À cause de Violetta. Elle apprécie beaucoup mes vers. Le jugement effronté de Malparzer l’a scandalisée. Elle m’a engagé à combattre.
    — À combattre ?
    — Parfaitement. Elle m’a fait comprendre qu’il importait désormais de défendre mon intégui…
    — Intégrité ?
    — C’est cela, mon intégrité… artistique. Il importe, m’a-t-elle dit, de défendre mon intégrité artistique.
    Il tapa si fort du plat de la main sur le bureau que Tron en sursauta.
    — De porter le drapeau, en quelque sorte ? suggéra-t-il sans réfléchir.
    De nouveau, il avait le sentiment désagréable de devenir – lentement, mais sûrement – fou.
    — Exact ! approuva le commandant en chef en faisant le geste de porter un drapeau imaginaire.
    — Que comptez-vous entreprendre, baron ? Nous pourrions envisager la publication d’autres poèmes dans notre prochain numéro ?
    Spaur secoua la tête de gauche à droite.
    — Non, non, non ! J’ai l’intention d’écrire à Sa Majesté en personne. Du moins l’ai-je promis à Violetta.
    Puis il dit sans transition :
    — Au fait, votre rapport est très convaincant. Du bon travail, le félicita-t-il avec un regard reconnaissant. Quel scandale, cette affaire !
    Tron poussa un soupir de soulagement. Incroyable ! Il ne s’était pas attendu à un tel accueil. Sous l’influence de signorina Bellini, Spaur semblait s’être débarrassé de son habituelle réticence à l’égard de tout affrontement avec l’armée. Le commissaire se promit de jeter un coup d’œil sur le compte rendu des espions qu’il avait transmis la veille à son supérieur. Cette demoiselle lui devenait peu à peu sympathique.
    — Vous l’avez dit, baron, un scandale.
    Spaur hocha la tête.
    — Un scandale inacceptable ! renchérit-il. Je propose de faire un exemple.
    — À quelles mesures avez-vous songé ?
    Le commandant en chef répondit sans l’ombre d’une hésitation :
    — Nous devrions l’arrêter. Si nécessaire, sous un prétexte.
    Il se pencha au-dessus de son bureau et fixa son subalterne d’un regard complice.
    — Lui glisser quelque chose d’interdit dans la poche – un journal de Turin ou une arme par exemple – et, dans un premier temps, l’incarcérer.
    L’incarcérer ? Lui glisser une arme dans la poche ? Tron ouvrit de grands yeux.
    — J’imagine

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