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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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répondit pas.
    Les hommes sortirent précipitamment de l’hôtel et s’approchèrent de Crête.
    «Vite, le docteur! Il a perdu sans connaissance!»
    Ovila éclata de rire. Puis, au grand étonnement de tous, il se mit à sangloter comme un enfant.
    «Est-ce que quelqu’un peut le moucher? Il morve pis il saigne en même temps.»
    Les hommes s’éloignèrent d’Ovila et de Crête pour laisser passer le médecin. Celui-ci, furieux, se pencha d’abord sur Crête. Il lui souleva les paupières, hocha la tête, puis lui prit le pouls.
    «Mettez-lui beaucoup de neige dans le cou. Faites-le marcher. »
    Les hommes s’exécutaient pendant que le médecin portait son attention sur Ovila.
    «Ta femme va pas être heureuse. Tu trouves pas qu’un malheur par jour c’est assez? »
    Ovila ne réagit pas, mais d’entendre parler d’Émilie lui fit plus mal que le coup de poing de Crête.
    «Conduisez-les tous les deux à mon dispensaire.»
    Les clients de l’hôtel transportèrent les deux plus grands hommes du village et les confièrent au médecin. Celui-ci passa la nuit auprès de ses patients à panser Ovila et à garder Joachim éveillé. A l’aube, il les reconduisit à leur domicile respectif. Émilie lui ouvrit la porte rapidement. Le médecin comprit qu’elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit.
    «Je vous attendais, docteur. Ils m’ont prévenue qu’Ovila était chez vous. Est-ce qu’il est bien magané?
    —        Le nez cassé, un œil pis les joues pas mal enflés. Ça va prendre une couple de semaines avant qu’il recommence à avoir l’air d’un homme. »
    Émilie aida le médecin à entrer Ovila qui titubait encore d’alcool, mais surtout de fatigue et de faiblesse. Il fut conduit à sa chambre, dévêtu et couché. Le médecin quitta Émilie en lui disant qu’il repasserait pendant la journée et que d’ici là, elle devait lui couvrir la figure de glace. Émilie fit un signe d’assentiment. Elle revint au chevet d’Ovila, le regarda et l’écouta gémir avant de poser sa tête sur sa poitrine et de pleurer.
    « A quoi que tu as pensé, Ovila?
    —        À toi. »
    Émilie ne posa plus de questions. La réponse d’Ovila était claire. Elle savait qu’elle l’avait poussé à bout. Mais il aurait dû comprendre tout son chagrin. Comment avait- il cru qu’elle réagirait à la mauvaise nouvelle qu’il lui avait apportée? Puis, tout à coup, elle lui en voulut. Il l’avait abandonnée pendant toute la journée. Il n’avait pas dit un seul mot sur ce qu’il allait faire. Il lui revenait complètement ivre, le visage comme de la viande à pâté. Elle se leva et le regarda dédaigneusement.
    «On dirait, Ovila, qu’à chaque fois que j’ai besoin de toi, tu es pas là. Tu te sauves. Ben là, c’est moi qui va faire comme si tu avais pas de problèmes. J’ai assez de deux bébés. J’ai pas envie de te torcher.»
    Elle claqua la porte de la chambre. Ovila recommença à sangloter. Il entendit pleurer Marie-Ange que le claquement de porte avait éveillée. Il entendit ensuite Rose qui babillait comme elle le faisait à tous les matins. Il entendit la voix douce et maternelle d’Emilie puis s’endormit douloureusement.
     
    30.
    Emilie était épuisée. Rose avait encore grandi mais ne semblait pas vouloir apprendre quoi que ce fût. Marie-Ange, toujours aussi sage, faisait la fierté de ses parents et de ses grand-parents. Le ventre d’Emilie grossissait à vue d’œil. Ovila et elle n’avaient plus fait allusion aux «petits problèmes» de Rose, pas plus qu’ils n’avaient reparlé de leur querelle. Ovila avait expliqué à Emilie qu’il n’avait bu que pour noyer sa tristesse et son incapacité à la consoler. Emilie s’était excusée à plusieurs reprises de l’avoir si violemment accueilli après sa bagarre avec Crête. Ils s’étaient donc retrouvés tous les deux avec leur quotidien, Émilie dans le rang du Bourdais à laver, semer son potager, surveiller ses filles, regarder les enfants arriver à l’école et préparer les repas. Ovila, dans la rue Notre-Dame, au village, à creuser au pic et à la pelle, à travailler de longues heures pour installer la tuyauterie de l’aqueduc à venir. Tous les soirs, il rentrait fourbu et Émilie, après le souper, s’empressait de coucher les enfants et, à l’aide d’une pommade qu’elle avait fait venir de Montréal, massait les muscles d’Ovila, endoloris par le labeur et brûlés par la

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