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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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t’attendrait demain.
    —        Je le verrai demain d’abord.»
    La sobriété de la veille aidant, Ovila se leva en forme et avisa Emilie qu’il allait prendre café et déjeuner avec son père. Emilie lui sourit un encouragement. Ovila partit donc d’un pas alerte et sans appréhension. Ce matin-là, il savait qu’il trouverait les mots pour faire comprendre à son père pourquoi il était incapable de vivre sur la ferme. Il savait que son père frôlait le désespoir quand il songeait à l’avenir de ses terres. Ovide travaillait comme seul un lézard pouvait le faire, passant la quasi-totalité de son temps étendu dans un hamac qu’il tendait soit entre deux poteaux de la galerie, soit entre deux arbres au lac à la Perchaude quand il trouvait la maison trop bruyante. Il avait aussi cultivé l’art de déclencher une quinte de toux apparemment fort douloureuse quand on lui demandait un service. Edmond avait quitté le vieux bien pour vivre avec sa femme dans l’ancienne maison du père Mercure, qu’il avait réussi à racheter. Il aidait bien à semer et ramasser le foin nécessaire à ses chevaux mais le reste du temps, il le passait à l’hippodrome avec les autres jeunes du village, tous piqués par la maladie des compétitions et de la gageure. Oscar, lui, avait fait savoir qu’il avait l’intention de travailler pour les chemins de fer, d’y utiliser l’anglais qu’il avait appris au Business College et de faire carrière. Il préférait la télégraphie sans fil aux fils barbelés. Émile, lui, était intéressé à prendre la terre, mais il était encore trop jeune et si court que Dosithée s’était demandé s’il aurait jamais la force de transporter ses ballots de foin. Télesphore n’avait qu’une passion: les bijoux, les montres, les horloges et tout ce qui s’y rapportait. Il rêvait d’avoir, un jour, sa propre bijouterie et de passer de longues journées, l’œil caché derrière une loupe, à changer des ressorts, visser des vis presque invisibles, écoutant sans cesse les tic-tac de toutes les horloges qui l’entoureraient. Il rêvait aussi d’avoir un trousseau garni de dizaines de clés sonnantes, chacune ouvrant un tiroir bourré de pierres et de métaux précieux posés sur du velours.
    Ovila fronça les sourcils. Il comprenait de façon très aiguë les craintes de son père. Peut-être qu’Ovide reprendrait des forces. Peut-être qu’Edmond reviendrait travailler sur les terres de son père. Peut-être qu’Oscar se lasserait de passer ses journées assis à déchiffrer des messages, à remplir et à vider des wagons-poste, à vendre des billets et à porter des valises. Peut-être qu’Émile grandirait encore d’un pouce ou deux. Peut-être que Télesphore rêvait en couleurs, aux couleurs du saphir et de l’émeraude. Peut- être même que Lazare, ce frère mort depuis plus de dix ans, ressusciterait? Ovila ne savait qu’une chose: jamais il ne pourrait abandonner la liberté que lui offrait le bois.
    Ce matin, il ferait comprendre à son père qu’il aimait la terre mais la terre sauvage, grouillante de vie, remplie d’humus, de roches et de broussailles. Belle de mauvaises herbes. Il lui expliquerait qu’il en avait fini pour toujours avec l’alcool et que jamais, plus jamais, il ne laisserait Émilie sans ressources. Jamais, non plus, il ne l’obligerait lui, son père, à nourrir les bouches que son fils avait engendrées. Il lui dirait à quel point il le respectait et combien il était fier de répéter aux hommes du chantier que topt ce qu’il connaissait du bois, c’était de son père qu’il l’avait appris. Que son père avait été et serait toujours à ses yeux le meilleur bûcheron du monde.
    Il arriva devant la porte. Il inspecta rapidement la maison et sourit de fierté. Pas une seule planche, pas un seul clou n’avaient bougé depuis onze ans. Déjà onze ans. Onze ans depuis qu’il s’était tué au travail pour surprendre sa belle brume. Un papillon lui chatouilla le ventre. Emilie méritait mieux que lui. Il lui prouverait qu’elle n’avait pas eu tort. Dès aujourd’hui. Dès que la brouille entre lui et son père se serait levée comme une brume matinale, sans laisser de trace.
    Il frotta ses pieds sur le tapis que sa mère laissait toujours à l’entrée et mit la main sur la poignée. Celle-ci tourna seule et lui échappa. Sa mère était devant lui, livide.
    «Ton père vient de mourir, Ovila.»
    Il appuya

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