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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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même à Félicité d’apprêter le veau qu’il venait d’abattre pour fêter le retour de son enfant prodigue.
    Ovila rentra le foin pendant qu’Émilie, toute à sa joie, faisait des conserves de tomates, et de maïs, et de petits pois. Il faucha le lin qu’elle s’empressa de broyer avec les autres femmes. Plus tard dans l’automne, quand son ventre se fut encore alourdi d’un septième enfant, elle commença à filer son lin pendant qu’Ovila et son père réparaient tous les instruments et les entreposaient pour l’hiver. Elle fit provisions de viande dès qu’ils eurent abattu les animaux. Et quand Ovila fut parti pour bûcher pendant les mois d’hiver, elle soupira en pensant à son retour prochain.
    Elle l’attendait toujours au mois de mai 1912 quand elle mit une quatrième fille au monde. Elle la nomma Emma Jeanne. Ovila, à son retour, déciderait si c’était Emma ou Jeanne qui dormait bien paisiblement, suspendue au clos de sa mère qui n’avait jamais négligé de porter la hotte indienne qu’Ovila lui avait rapportée six ans plus tôt. Au mois de juin, elle et son beau-père passèrent une soirée presque funèbre à parler de leur attente déçue. Elle pleura longuement. Jamais plus elle ne croirait aux miracles.
    Jeanne avait trois mois quand elle fut enfin présentée à son père. Celui-ci ne la vit réellement que deux jours plus tard, quand les brouillards de l’alcool se furent dissipés. Aussitôt qu’il put marcher, il alla voir son père pour lui dire qu’il ne travaillerait plus sur la terre. Dosithée soupira. C’était sa façon à lui de pleurer.
    Ovila revint chez lui pour expliquer à Émilie qu’il était incapable de vivre la vie d’un cultivateur.
    «J’étouffe sur la ferme, Émilie. Je manque d'air.
    —        Pis dans le bois, je suppose que l’air est meilleur?
    —        C’est juste pas le même air.»
    Cet après-midi-là, Émilie lui avait demandé d’aller chez le boucher chercher pour deux dollars de bœuf. Elle lui avait remis l’argent, bien plié. Ovila lui avait dit qu’il n’en aurait que pour une demi-heure. L’heure du souper était depuis longtemps passée quand Émilie, faisant l’inventaire de ses provisions, dut se rendre à l’évidence : elle n’avait pas assez de viande pour remplir le ventre de ses enfants. Elle regarda encore une fois à la fenêtre pour voir si Ovila n’arrivait pas. À son grand soulagement, elle le vit. Elle courut lui ouvrir la porte. Ovila entra et se dirigea en titubant vers sa chambre. Émilie blêmit.
    «Le bœuf, Ovila. As-tu rapporté le bœuf?
    —        Quel bœuf?»
    Émilie essaya de contenir sa colère. Elle regarda ses enfants qui patientaient comme ils le pouvaient.
    «Donne-moi les deux piastres, Ovila.
    —        Deux piastres?»
    Émilie claqua la porte de leur chambre. Elle demanda aux aînés de l’aider à habiller les plus jeunes et de s’habiller eux-mêmes. Puis elle partit avec eux, séchant ses larmes aussi discrètement que possible, et frappa à la porte des Pronovost. Elle essaya de blaguer pour leur dire que, distraite comme toujours, elle avait oublié d’acheter la viande et qu’elle n’avait rien préparé pour le souper. Félicité lui mit une main sur l’épaule et invita les enfants à passer à table. Dosithée avait quitté sa berceuse et s’était réfugié dans sa chambre.
    Émilie revint tard dans la soirée. Elle coucha ses enfants et se fit un lit d’occasion dans le salon. Le lendemain matin, Ovila s’éveilla, seul. Il alla dans la cuisine. Émilie s’y affairait déjà.
    «C’est quoi ces histoires-là de pas dormir avec son mari?
    —        C’est pas des histoires. C’est comme ça. Remarque que quand j’vas avoir un mari, j’vas dormir avec lui.»
    Ovila rit d’elle, lui disant qu’elle aurait à en trouver un qui aimait les grosses femmes. Émilie lança le torchon qu’elle tenait à la main, se retourna pour lui faire face et répondit d’une voix éteinte par la colère qu’elle n’avait de poids que le poids de ses grossesses. Ovila lui répliqua qu’elle avait perdu son sens de l’humour. Elle rétorqua qu’ils étaient plusieurs à l’avoir perdu ensemble. Elle et toute sa famille à lui, précisa-t-elle. Ovila cessa de rire et retourna se coucher. Aussitôt étendu, il bourra son oreiller de coups de poings.
    Pendant les deux semaines qui suivirent, il ne quitta pas la maison. Émilie crut

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