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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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d’abord que cela ne durerait qu’une journée ou deux. Mais, voyant qu’il ne parlait même pas de sortir le soir, elle se laissa lentement apprivoiser. Ils passèrent de nombreuses soirées à parler des chantiers et de la petite vie de la famille. Émilie avait bien vu s’allumer l’étincelle dans les yeux d’Ovila chaque fois qu’il parlait du bois. Elle savait que dans ses veines à lui, il ne coulait pas de sang, mais de la sève.
    La troisième semaine commença par une petite visite de politesse au marchand général, courte visite qui se termina par une longue visite de retrouvailles chez l’hôtelier. Emilie ne l’attendit pas. Elle savait que l’homme qui entrerait ce soir-là chez elle lui serait parfaitement étranger. Elle savait que cet homme, elle pouvait le détester. Elle avait donc bercé Jeanne. Non pas parce que Jeanne avait l’habitude de s’endormir dans les bras de sa mère, mais bien parce que sa mère avait un urgent besoin de chaleur.
    Ovila repartit pour les chantiers dès l’apparition de la première feuille rouge. Emilie ne s’en étonna ni ne s’en plaignit. Ces départs n’étaient maintenant plus réglés sur les saisons mais sur la soif d’Ovila. A peine eut-il quitté la maison qu’Emilie s’empressa de changer les draps de leur lit. Ce soir-là, elle réintégra sa chambre à coucher, soulagée d’avoir au moins une certitude, celle de ne pas être enceinte.
    Ovila revint neuf mois plus tard, la veille de la fête de Rose, à qui il avait apporté un cahier pour écrire. Rose le remercia poliment puis montra le cahier à sa mère. Celle- ci lui promit qu’elles le noirciraient de lettres et de chiffres. Rose avait eu dix ans et ne savait pas encore vraiment écrire, mais Emilie ne désespérait pas. Elle mettait d’ailleurs beaucoup d’énergie à lui cacher ou à minimiser les progrès de Marie-Ange ainsi que ceux d’Emilien qui, même s’il ne fréquentait pas encore l’école, connaissait toutes ses lettres et pouvait compter jusqu’à mille. Il avait d’ailleurs plus de talent pour les chiffres que les lettres.
    Ovila s’abstint d’aller visiter ses parents. Émilie le lui reprocha. Il lui avoua qu’il ne s’en sentait pas la force. Émilie comprit qu’il avait du remords de ne pas avoir accepté l’offre de son père.
    «Chaque fois que je vois le père, le cœur me sort de la poitrine. Je sais tout ce qu’il faudrait que je fasse pour lui faire plaisir, mais je suis pas capable de m’installer sur une terre.
    —        Tu pourrais au moins aller le voir.
    —        Demain. J’vas y aller demain. »
    Le lendemain, il tint parole, mais son père était parti pour le village. Ovila dit à ses frères qu’il reviendrait. Il décida d’aller visiter Edmond et sa femme Philomène, qu’il connaissait peu. Il arriva en pleine scène de ménage. Philomène était en larmes. Dès qu’elle le vit arriver, elle se réfugia dans sa chambre.
    «Elle a pas l’air de bonne humeur. Est-ce que c’est son état qui la rend de même?
    —        Bof! Imagine-toi qu’elle voudrait que je déménage pour vivre au village. Depuis qu’elle sait qu’on va avoir un p’tit, c’est pire. A l’entendre, on dirait qu’il y a pas moyen d’élever une famille dans l’odeur du fumier pis dans les mouches qui tournent autour. Tu me vois-tu au village? Je viendrais fou ben raide. Du monde à côté, pis devant, pis en arrière. Du monde qui écorniffle. Non, merci pour moi. Je bouge pas d’ici.»
    Ovila ne posa plus de questions. Si Philomène détestait la vie à la ferme autant que lui, il comprenait qu’elle veuille tant déménager.
    «J’ai pas encore été voir de p’tites vues à Saint-Tite. Est-ce que ça te dirait qu’on y aille?
    —        Si Philomène veut venir, est-ce que ça te dérange?
    —        Ben non. » Philomène refusa, alléguant qu’elle était trop laide pour sortir. Edmond regarda Ovila, mine de lui faire comprendre qu’il savait qu’elle refuserait. Après avoir regardé les films, les deux frères rentrèrent bien sagement. Ovila n’avait jamais osé boire avec Edmond. Il avait encore frais à la mémoire ce que son frère avait fait pour lui et essayait de lui laisser quelques illusions.
    Emilie fut tellement surprise de voir arriver Ovila, qu’elle lui sauta au cou pour embrasser sa sobriété.
    «Ton père est venu. Il m’a dit que vous vous étiez manqués. Il m’a dit qu’il

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