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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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confiance. Il redeviendrait comme il l’était avant... Il ajouta qu’à cause de lui, Émilie n’avait plus revu sa famille depuis des années.
    Émilie se rembrunit. Comme son père lui manquait. Depuis qu’il avait compris que le mariage de sa fille était un purgatoire — il n’avait jamais osé dire enfer — il n’avait su comment la consoler. À défaut de mots, il l’avait ignorée. Émilie en avait souffert et lui avait écrit une longue lettre, où elle lui parlait de son besoin de le voir. Par la plume de Célina, Caleb lui avait répondu un peu froidement que jamais elle ne s’était déplacée. Émilie ne lui avait pas pardonné ce reproche. Elle s’était donc abstenue de lui écrire, adressant ses lettres à sa mère. Elle avait vu ses frères, Hedwidge, Émilien et Jean-Baptiste. Ils s’étaient arrêtés à Saint-Tite en route pour l’Abitibi. Ils s’y étaient loué des terres et avaient décidé de partir à l’aventure. Leur rencontre avait été brève, mais pas assez pour cacher les limites de la misère sur lesquelles Emilie se tenait souvent en équilibre. Ses frères avaient été tellement troublés de voir leur aînée contrainte de vivre ainsi qu’à partir de ce jour, ils lui avaient régulièrement expédié un peu d’argent. Emilie, pour la première fois depuis quinze ans, s’était découvert des liens avec sa famille.
    Ovila continuait de parler et de sangloter, lui disant qu’il savait qu’il lui avait fait énormément de chagrin. Qu’elle commençait à avoir d’autres rides que ses rides de sourire autour des yeux et beaucoup plus qu’un cheveu blanc. Il la gâterait. Comme il le faisait avant...
    Ils passèrent tout l’après-midi au lac. Ils rentrèrent à la maison et Ovila, en cours de route, lui expliqua qu’il avait perdu le courage de faire face à la vie, la nuit de la mort de Louisa.
    «T’es-tu rendu compte, Émilie, que sur trois enfants, il y avait juste Marie-Ange qui pouvait nous laisser voir qu’on avait un futur?
    —        Oui, Ovila, mais après Marie-Ange, ça s’est pas arrêté. On a eu Émilien, Blanche, Paul, Clément pis Jeanne. Si on n’a pas de futur avec nos trois beaux fils pis nos quatre filles, qu’est-ce que tu veux de plus?»
    Il ne parla plus. Elle venait, par cette petite phrase, de lui mettre un miroir en face de l’âme. Il n’aimait pas ce qu’il y voyait.
    Ce soir-là, pour la première fois depuis des années, Émilie dormit dans sa chambre, avec Ovila. Elle l’avait bercé comme elle avait bercé chacun de ses enfants. Elle lui avait chuchoté tous les espoirs qu’ils devaient avoir. Elle lui avait juré qu’elle l’aimait encore et toujours.
    «J’ai pas encore donné grand-chose à mes enfants, Emilie, mais au moins je peux dire que je leur ai donné une maudite bonne mère.»
    Ovila passa l’été à Saint-Tite. Il aida son frère Émile. Télesphore les quitta pour aller apprendre son métier de bijoutier à Grand-Mère. Oscar, lui, continua à recevoir et à expédier ses messages par TSF. A l’automne, Ovila trouva du travail, rue du Moulin, chez Massicotte qui était embouteilleur. Émilie s’était réjouie de son «retour à l’équilibre».
    L’année 1914 commença merveilleusement. Émilie et Ovila conçurent leur huitième enfant. Le village avait été électrifié et le travail ne manquait plus. Les manufactures de cuir poussaient comme des champignons. Ils furent invités à l’ouverture de la Acme Glove Work Limited. Le village prospérait. Le Conseil avait même voté un budget spécial pour paver les rues. Les femmes disaient qu’il n’y avait pas de comparaison possible: on pouvait maintenant épousseter une seule fois par semaine.
    Edmond et Philomène ne réussirent jamais à s’entendre. Philomène lui avait lancé un ultimatum. Edmond n’avait pas bronché. Et à la surprise de tous, Philomène était partie. Un matin, Edmond s’était levé et Philomène n’était plus là. Félicité avait grondé son fils. Il aurait pu faire preuve de plus de compréhension. Edmond ne remua toujours pas. Ovila était allé voir Philomène au village, pour essayer de la raisonner. Elle ne pouvait partir au huitième mois de sa grossesse. Edmond ne pouvait vivre dans le Bourdais et elle au village. Philomène lui avait répondu qu’elle ne retournerait jamais à la campagne et que si Edmond voulait voir son enfant, il n’avait qu’à venir la rejoindre. Ovila avait fait le

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