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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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mars, Émilie compta l’argent qui leur restait et additionna le montant de leurs dettes. Ovila n’étant pas entré depuis deux jours et deux nuits, elle lui laissa donc un message sur la cuvette de la salle de toilette, certaine qu’à cet endroit, il ne pouvait lui échapper.
    Elle ouvrit les yeux sur un matin ensoleillé et sentit la présence d’Ovila à ses côtés. Elle le regarda, soupira et se leva pour préparer le petit déjeuner des écoliers: du pain durci, trempé dans du lait et généreusement recouvert de cassonade. Elle avait présenté ce menu comme un menu spécial, que peu d’enfants avaient goûté. Les enfants, que l’exclusivité mettait toujours en appétit, se léchaient les babines tant ce petit déjeuner de roi leur plaisait. Émilie les regardait manger en berçant Rolande. Elle lui fredonnait toutes les chansons qui faisaient sourire le bébé, particulièrement J’ai du bon tabac.
    Ovila se leva en grande forme, faisant un signe de main à Émilie pour la faire taire avant même qu’elle n’ouvre la bouche.
    «Oui, je le sais. Je t’ai pas donné de nouvelles depuis deux jours. Mais c’est pour une bonne raison. Faut que je te parle.
    —        Parle toujours, Ovila, je peux pas aller bien loin.
    —        Émilie, je veux pus rien savoir de la ville.»
    Émilie leva les yeux, incrédule, puis comprit qu’il ne mentait pas et qu’il avait même l’air très sérieux.
    «Tu as pas bu, Ovila?
    —        Non, j’ai pas bu. Pis j’ai pas bu depuis deux jours. J’ai passé ces deux jours-là à marcher...dans le bois. Je m’ennuie du bois, Émilie. Je suis pus capable de m’en passer.
    —        Je le savais.
    —        Comment ça?
    —        Tu as recommencé à gosser une p’tite branche.»
    Ovila éclata de rire. Il s’approcha d’Émilie et lui posa une main sur l’épaule.
    «J’aimerais mieux que tu me touches pas, Ovila.»
    Ovila retira sa main, hocha la tête et continua à parler. Il lui redit qu’il n’avait pas bu depuis deux jours et que, quant à lui, il n’avait plus l’intention de retoucher à l’alcool de sa vie. Chaque fois que je bois, disait-il, je rends tout le monde malheureux. Il lui rappela la déception de son père et sa déception à elle. Il insista sur le fait que lui- même n’en pouvait plus de se décevoir aussi. Émilie l’écouta sans cesser de fredonner. Si cela agaça Ovila, il n’en laissa rien paraître. Il enchaîna en lui disant qu’il était certain qu’elle avait toujours été plus heureuse à la campagne. Que les enfants eux-mêmes parlaient sans cesse de la campagne. Émilie se berçait toujours, mais plus Ovila parlait, plus son cœur lui tambourinait aux oreilles. Il lui avoua qu’il l’aimait toujours autant et elle leva un sourcil.
    «Fais pas cet air-là. C’est vrai. J’ai presque toujours bu parce que je voyais bien que tu étais pas heureuse pis que je savais pus quoi faire pour que tu souries.
    —        Rends-moi pas responsable de ton vice, Ovila.»
    Ovila quitta la cuisine et Émilie l’entendit fouiller dans ses poches de manteau. Elle ferma les yeux tout en se frottant les lèvres sur le duvet qui recouvrait la tête de Rolande. Elle inspira profondément pour se convaincre qu’elle était bien vivante et pour se donner la force de croire à ce qu’Ovila, son Ovila qu’elle ne pouvait regarder sans ramollir, lui racontait. Se pouvait-il que ces derniers mois d’enfer fussent les derniers qu’elle connaîtrait? Une toute petite rechute? Une curiosité d’Ovila de retourner voir dans son âme ce qu’il avait quitté depuis tellement d’années? Rolande gargouillait sous les chatouillis du souffle de sa mère. Emilie ouvrit les yeux et replaça le bébé qui glissait. Ovila revint dans la cuisine, une liasse de papiers dans les mains.
    «La semaine prochaine, Emilie, je pars pour Barraute...
    —        C’est où ça?
    —        En Abitibi.
    —        Qu’est-ce que tu vas aller faire là?
    —        Acheter des terres... en fait, louer des terres, pour les déboiser pis les défricher. L’aventure, ça te tente toujours?»
    Émilie avait cessé de se bercer. Elle le regardait bien en face, essayant de lire quelque part dans son expression qu’il était atteint d’une nouvelle folie. Elle ne vit rien d’autre que des yeux de plaidoirie et un sourire d’espoir.
    «Ovila, j’ai pas envie d’aller vivre dans

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