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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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sursauter. Elle tenait Alice sur ses genoux.
    «Boum en l’air!» et Alice riait de ses yeux bleu turquoise et de sa bouche illuminée de petites dents blanches, bien droites.
    Ils arrivèrent à la maison. Les enfants se précipitèrent dans les escaliers. Émilie fermait la marche, essoufflée par le poids des bagages et celui de ses six mois de grossesse. Elle n’avait pas encore atteint le palier que les enfants redescendaient pour jouer dehors. Marie-Ange fut la dernière à la croiser, ne se permettant pas, à presque quatorze ans, de montrer autant d’enthousiasme.
    Émilie poussa la porte et soupira de soulagement. Elle ne s’habituerait jamais à vivre au deuxième étage. Maintenant qu’Ovila semblait heureux à Shawinigan, le moment était venu d’acheter cette maison qu’il lui avait promise. Elle entra dans sa chambre et gela. Elle n’avait pas eu besoin d’yeux pour s’expliquer l’absence d’Ovila. Son nez avait suffi. Il était étendu sur le dos, les bras en croix, la bouche ouverte, la barbe longue, les cheveux défaits. Un sommeil lourd le clouait au lit.
    «Oh! non!... Oh! non!... Oh! non!...»
    Plus elle refusait le spectacle qui s’offrait à ses yeux, plus elle s’affaissait, se retrouvant bientôt accroupie sur le plancher, les mains devant ses yeux. Elle demeura là jusqu’à ce qu’elle entende claquer la porte du rez-de-chaussée. Giflée par le bruit, elle se releva, sortit précipitamment de la chambre, en ferma la porte et s’enferma à double tour dans la salle de toilette. Elle entendit Blanche qui l’appelait et s’empressa de répondre avant que sa fille ne décide d’aller voir dans la chambre à coucher.
    «Moman est ici, Blanche.
    —        Avez-vous bientôt fini? J’ai envie.
    —        Donne-moi deux minutes. Peux-tu attendre deux minutes?
    —        Seulement si je me serre les cuisses.
    —        Serre tes cuisses!»
    Elle se moucha rapidement, s’essuya aussi les yeux, actionna la chasse d’eau et sortit en regardant en direction de la cuisine pour éviter de croiser le regard de sa fille, Blanche se précipita dans la salle de toilette sans remarquer les boursouflures qui avaient labouré le visage de sa mère.
    Ovila ne s’éveilla pas de la soirée et les enfants ne songèrent jamais à le trouver, convaincus qu’il était au travail. Le lendemain matin, Émilie le secoua.
    «Ovila...Ovila...réveille-toi. Faut que tu ailles travailler. »
    Il ouvrit un œil, se prit la tête à deux mains en grognant de douleur, regarda Émilie, ferma les yeux, les rouvrit, de plus en plus étonné de la voir à ses côtés.
    «Qu’est-ce que tu fais ici?
    —        On est rentrés hier...comme je te l’avais écrit.
    —        Tu m’avais écrit ça?»
    Émilie ne répondit pas, sortit de la chambre et se dirigea vers le meuble sur lequel ils avaient l’habitude de poser le courrier. Elle fouilla à travers la paperasse et trouva trois de ses lettres, toujours cachetées, dont la dernière annonçant la date du retour. Elle la prit et revint dans la chambre. La colère avait rapidement pris le pas sur sa déception et son chagrin. Elle lui lança la lettre. Ovila fît une grimace d’incompréhension en prenant l’enveloppe dans ses mains.
    «J’ai pas dû la remarquer quand je suis allé au bureau de poste.
    —        Il y en a deux autres aussi que tu as pas vues. Tu ferais mieux de te grouiller parce que tu vas être en retard.
    —        C’est pas grave. J’ai un bon boss.
    —        Comment ça, tu as un bon boss? Me semblait que c’était toi le boss!
    —        Un jour on est un p’tit boss français, pis un jour on est pus un p’tit boss. Pis à part de ça, aujourd’hui, je travaille pas. Demain? Non plus. Le jour d’après? Non plus. La semaine prochaine? Non plus. Le mois prochain?... pour le mois prochain, on verra. Je dirais que le mois prochain, ils vont commencer à avoir pas mal de machines de pétées pis ils vont m’appeler...Non. Ils vont pas m’appeler parce que le téléphone est parti, mais ils vont envoyer quelqu’un me chercher. Est-ce qu’il y a d’autre chose que tu voudrais savoir?»
    Emilie comprit rapidement qu’Ovila n’avait pas encore cuvé tout l’alcool qu’il avait ingurgité. Elle lui dit sèchement de continuer à dormir. Il la remercia d’une courbette et d’un grand signe de la main, se retourna et s’endormit aussitôt.
    Emilie

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