Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
près des berges de la Batiscan. Émilie, depuis son départ de Saint-Stanislas, avait toujours entretenu une correspondance régulière avec sa meilleure amie, mais elle s’en était toujours tenue à ne raconter que des anecdotes. Elle avait nourri un certain scrupule à relater ses états d'âme, incertaine s’ils trouveraient un écho dans l'âme sensible de Berthe.
    Berthe fut étonnée de la voir mais n’en éprouva pas moins un vif plaisir. Les politesses échangées avec la famille de Berthe, les deux amies s’esquivèrent pour trouver un peu de solitude et leur intimité.
    «Qu’est-ce que tu as, Émilie? Tu as l’air tout à l’envers. »
    Émilie réfléchit quelques instants avant de décider d’étaler sa honte à son amie. Berthe l’écouta attentivement. Elles étaient assises sur un tronc d’arbre mort depuis des années dont les branches baignaient dans la Batiscan.
    Ton bel Ovila, est-ce qu’il t’a dit quelque chose après le soir où tu l’as embrassé?» demanda Berthe les yeux curieusement illuminés.
    «Il a bien essayé, mais moi je l’ai toujours empêché de me parler.»
    Berthe, à force de subtiles questions, réussit à comprendre le trouble d’Émilie. Que son amie fût amoureuse, elle n’en doutait pas. Que son amie ait quelque peu dépassé les bornes, elle le comprenait. Mais que son amie s’empêchât de s’avouer qu’elle avait droit à ses sentiments, elle le refusait. Berthe émit enfin une opinion. Elle ne blâmait pas Émilie. Elle la félicita même, en se moquant, d’avoir réussi à attendre si longtemps. Émilie demeura perplexe. Elle demanda à son amie si elle devait accepter de le revoir. Berthe lui répondit qu’elle n’avait qu’à écouter son cœur.
    «Mais Berthe, tu y penses pas! C’est mon élève pis il est deux ans plus jeune que moi!
    —        C’est effrayant! Quand tu vas avoir quatre-vingts, lui va juste avoir soixante-dix-huit. Tu te rends compte, Émilie? Tu vas passer pour une vieille folle qui court après les jeunesses.»
    Elles éclatèrent de rire.
    «Tu vas faire une drôle de sœur, Berthe. Tu encourages les maîtresses d’école à sortir avec leurs élèves...
    —        Je fais rien de ça! Je te ferai remarquer qu’Ovila, c’est pus ton élève. Si tu avais fait montre de quelque chose avant, là j’aurais pas pu faire autrement que de dire que c’était un bien mauvais exemple. Pire même. Mais astheure, moi je trouve que la voie est libre. C’est sûr que les gens vont jaser, ça fait que moi...»
    Elle s’était interrompue pour essayer d’imaginer ce qu’elle aurait fait à la place d’Émilie. Elle savait les commissaires très exigeants quant au comportement des institutrices. Dans certains cantons, les institutrices ne pouvaient même pas patiner en hiver au risque de perdre leur emploi. Elle savait aussi qu’il était presque impossible à Émilie de faire accepter le fait qu’elle fréquenterait le frère de certains de ses élèves. Aurait-on cru à son impartialité? Elle savait qu’Émilie ne pouvait pas recevoir dans son école...Son expression dut changer car Émilie put suivre le cours de ses pensées et enchaîner à sa place.
    «Ça fait que toi, tu ferais comme moi. Tu dirais pas un mot à Ovila, tu lui donnerais l’impression qu’il s’est jamais rien passé, tu éviterais de le regarder, pis à chaque fois que tu le verrais se morfondre, tu aurais le cœur bien à l’étroit. »
    Les deux amies demeurèrent silencieuses pendant un long moment. La noirceur avait envahi les rives de la Batiscan. Ni l’une ni l’autre n’avait trouvé de solution au dilemme d’Émilie. Elle reprirent lentement la direction de la maison de Berthe. Elle écoutèrent le chant des grillons et la respiration des animaux qui dormaient juste derrière les clôtures de perche. Quelque part, un coq se mit à chanter.
    «En voilà un autre de mêlé», lança Berthe.
    Émilie se mit à rire, puis à rire de plus belle, entraînant Berthe qui lui bourrela les côtes de coups de coude, l’exhortant à se calmer, ce que ni l’une ni l’autre ne purent faire. Elles en vinrent finalement à se rouler dans le foin, se tordant comme deux poissons fraîchement péchés, empêtrées dans leurs jupes, les cheveux mèchés de paille. Leur rigolade tourna vraiment au délire quand le coq chanta une deuxième fois.
    «Si le coq chante une troisième fois, hoqueta Émilie, on va savoir que mon calvaire est

Weitere Kostenlose Bücher