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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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commencé.
    —        Tu es complètement dinde, Émilie Bordeleau» hurla Berthe.
    Le coq chanta une troisième fois. Les deux amies se calmèrent immédiatement. Émilie s’assit et enleva la paille qui lui coiffait la tête. Elle se leva brusquement. Berthe l’imita.
    «Je voudrais pas être superstitieuse, Berthe, mais c’est pas un peu de mauvais augure?
    —        Voyons donc», répondit Berthe qui secouait énergiquement sa jupe. «Tu vas pas commencer à te faire du mauvais sang à cause d’une farce.» Mais Berthe elle-même ne semblait pas tellement rassurée.
    Elles se quittèrent quelques minutes plus tard, après avoir convenu d’occuper leurs soirées d’été à faire une courtepointe.
    «Tu la garderas pour toi, Émilie. Moi, je saurais pas quoi en faire. Vois-tu...j’vas rentrer au noviciat à la fin du mois d’août.» Berthe s’en voulait un peu d’annoncer une si grande nouvelle à un moment soudainement nuageux.
    Émilie ne sut que répondre. Elle se contenta de donner une accolade à son amie, lui tapotant le dos comme si elle avait voulu la convaincre que tout irait bien.
    Elle rentra chez elle marchant tantôt de front, tantôt à reculons. Sans en prendre conscience, elle avait greffé sa démarche sur ses pensées. Berthe entrait au couvent. C’était maintenant quelque chose de vrai. Comme Berthe serait heureuse. Puis à reculons. Mais qui va remplacer Berthe? Lorsqu’elle sera religieuse, nous ne pourrons plus jamais faire comme ce soir. Nous ébattre dans l’herbe comme de jeunes chiots. Puis de front. Ovila, c’est dans mon imagination. Il n’y a pas une seule femme qui peut dire qu’elle est devenue amoureuse de son mari quand il avait quatorze ans. Ovila est encore trop jeune pour connaître ce que je connais. Puis à reculons. Pourquoi n’a-t-il rien dit? Pourquoi s’est-il tenu à l’écart comme il l’a fait? Pourquoi n’a-t-il pas insisté? Puis de front. Je vais lui dire ce que je ressens. Ovila ne rira pas de moi. Ovila m’aime, j’en suis certaine. Puis à reculons. Est-ce qu’il m’aime? Je veux qu’il m’aime. Pourquoi le coq a-t-il chanté trois fois?
     
    12 .
    Berthe et Émilie travaillaient chez les Bordeleau. Elles avaient décidé qu’il serait trop compliqué de transporter leur matériel à tout bout de champ. Berthe préférait s’exiler du toit paternel. La maison de son amie était presque aussi remplie d’enfance que la sienne mais elle la trouvait plus calme. Et, avait-elle ajouté, la promenade qu’elle faisait lui permettait de se recueillir.
    Leurs soirées étaient agréables. Émilie n’avait jamais osé aborder une discussion sur les raisons de la vocation de Berthe. Elle s’était tue, craignant de teinter son jugement d’une parcelle d’égoïsme. Berthe lui manquerait terriblement. Elle s’était tue aussi, incapable de dire qu’elle trouvait que le couvent ressemblait à une fuite. Berthe était extraordinaire avec sa mère, ses frères et ses sœurs. Émilie n’avait jamais réussi à vraiment comprendre pourquoi Berthe avait toujours semblé vouloir s’éloigner de la nichée dont la responsabilité lui avait incombé. Elles parlaient donc de tout et de rien en piquant chacune une aiguille dans la courtepointe kaléidoscopique. Le mois de juillet avait lui aussi filé à travers le chas du temps. Août s’était pointé sous un soleil éclatant. Leur travail avançait très rapidement, les amies ayant toutes deux une patience monastique doublée d’une célérité d’exécution remarquable.
    Elles travaillaient dehors quand le temps était clément. La noirceur les assaillait maintenant plus tôt, mais elles avaient installé des lampes pour travailler encore quelques heures, sous les étoiles.
    Caleb, ce soir-là, s’était assis avec elles, s’émerveillant autant de ce qu’elles accomplissaient que de la beauté de la voûte étoilée, espérant voir apparaître des aurores boréales.
    «Qui c’est à votre avis qui monte la côte?»
    Berthe et Émilie quittèrent leur ouvrage des yeux. Elles regardèrent en direction du chemin et virent la lueur d’un fanal. Puis elles entendirent des bruits de sabots.
    «Mon Dieu, fit Berthe d’une voix étranglée, j’espère que c’est pas mon père qui vient me chercher parce que ma mère est malade. »
    Toutes deux, elles piquèrent leurs aiguilles, déchaussèrent leurs majeurs du dé à coudre et déposèrent leur ouvrage. L’attelage

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