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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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tourner la tête à gauche, à tourner la tête à droite, faisant mine de s’intéresser au plus haut point à leur discours farci de sous-entendus. Elle ne prit la parole qu’à une seule occasion, pour confirmer les dires d’Emilie quant à leur «passionnant été». Elle s’abstint de commentaires quand Émilie raconta toutes les fêtes auxquelles elles avaient assisté, sachant qu’Émilie n’avait assisté qu’à une fête: celle organisée par sa famille pour souligner le départ de François-Xavier Bordeleau pour le Klondike.
    Ils arrivèrent chez Berthe. Ovila descendit et tendit la main à chacune des filles. Émilie raccompagna Berthe. Elles chuchotaient, Émilie étant visiblement au paroxysme de l’émoi.
    «Tu me l’avais décrit, mais c’est quelque chose.
    —        Oui hein?» répondit Émilie fière comme elle ne l’avait jamais été.
    Berthe parla rapidement de toutes les qualités d’Ovila. Émilie acquiesçait à chacune d’elles. Émilie lui demanda si elle viendrait le lendemain. Berthe promit de faire tout en son possible pour s’absenter de la maison.
    Émilie remonta dans la calèche. Ovila, qui était assis, se contenta de lui tendre la main. Elle s’y agrippa joyeusement.
    Ils remontèrent la côte Saint-Paul au pas. L’étalon apprécia ce répit. Ovila était muet. Maintenant qu’il était seul avec Émilie, il ne savait plus comment expliquer sa présence. Émilie vint à son secours en lui demandant s’il voulait vraiment travailler dans les chantiers. Il répondit par l’affirmative et lui expliqua que plusieurs compagnies de Trois-Rivières et de Shawinigan embauchaient des hommes. Prenant ensuite son courage à deux mains, il dit à Emilie qu’il préférait quitter Saint-Tite. Il trouvait insupportable de la voir et de ne pouvoir l’approcher.
    «Ris de moi si tu veux, mais fallait que je vienne pour te dire que je t’aime.»
    Émilie ne rit pas. Elle ne parla pas non plus. Ovila désespéra. S’enhardissant, il lui demanda si elle accepterait de correspondre avec lui durant son absence. Elle promit de le faire. Il demanda enfin s’il pouvait espérer qu’elle nourrisse à son égard un sentiment semblable au sien. Elle tarda à répondre. Il immobilisa la calèche. Émilie se taisait toujours. Ovila se tourna pour la regarder. Elle avait les yeux luisants. Il comprit qu’elle pleurait. De drôles de larmes de plaisir. Il s’empressa de l’enlacer pour la consoler. Elle éclata de rire et le laissa faire. Elle accepta d’être celle qui l’attendrait. Ovila se leva et se tapa la cuisse en poussant un cri de joie, puis il se rassit, remit la bête en marche, tenant les guides de sa main gauche et la main d’Émilie de sa main droite.
    Caleb les attendait sur la galerie et ne passa aucun commentaire sur le fait qu’ils avaient mis près d’une demi- heure à franchir une distance qui habituellement demandait une dizaine de minutes. Il détela le cheval et commença à lui brosser la crinière. Émilie et Ovila demeurèrent assis avec Célina qui avait profité de leur absence pour faire monter tous les enfants, ranger les effets de couture d’Émilie et préparer une couche pour Ovila dans le salon.
    «C’est un peu mieux que le lit du quêteux. Au moins on te fait pas coucher en arrière du poêle», dit Émilie pour justifier l’installation précaire.
    Ovila les remercia de leur hospitalité, s’excusant encore une fois d’être arrivé sans prévenir. Émilie savait bien qu’il n’aurait jamais osé s’annoncer de crainte qu’elle ne lui dise qu’elle préférait ne pas le voir. Elle bâilla. Ovila se leva et les pria d’aller dormir, disant qu’il irait à l’étable voir si sa bête était installée.
    Ovila entra dans l’étable et se frappa la tête sur une poutre. Il crispa les lèvres et aspira le juron qui y pendait. Caleb le remarqua et éclata de rire.
    «C’est fait pour du monde un peu plus p’tit.
    —        Tout est fait pour du p’tit monde», répondit Ovila en se frottant le front.
    Caleb brossait encore la crinière du cheval.
    «Il doit bien avoir huit ans astheure. La première fois que je l’ai vu, c’était à l’automne 96. Maudit! que c’est une belle bête!»
    Ovila opina. La bête avait neuf ans mais était fringante comme au premier jour de son arrivée. Caleb lui raconta combien il avait été impressionné par la finesse de ses pattes et la blondeur de sa crinière. Il parla encore

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