Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Certains souriaient : ils se délectaient de voir de près leurs vaincus.
    –  Avancez, dit Northbury. Les trois premiers.
    À peine avaient-ils fait quelques pas qu’il leur demanda de s’arrêter et d’attendre : des chevaliers et des écuyers venaient d’apparaître, à cheval. Il n’était point douteux que depuis l’aube, ils s’étaient livrés à une inspection scrupuleuse du champ de bataille et des campagnes à l’entour. Le prince de Galles s’adressa en français à l’un des seigneurs qui avait mené cette ultime investigation :
    –  Eh bien, John ?
    Comme Pèdre tendait l’oreille, le prince s’exprima en gascon, langue que Tristan connaissait car elle était sœur de la sienne :
    –  E lo bort, es mort ô près 338  ?
    Comment pouvait-il penser que Henri eût pu être capturé et qu’il fut passé inaperçu ? Pèdre l’eût reconnu entre mille, infailliblement.
    –  Envolé, dit l’Anglais.
    –  Il va en Aragon, dit Pèdre. Le bâtard de Comminges le rejoindra.
    Le prince de Galles se tourna vers ses hommes liges, vers Chandos en particulier, reconnaissable à l’écu brodé sur sa cotte d’armes.
    –  Non ay res fait (515) .
    Dans son esprit, à n’en pas douter, cette bataille de Nâjera ne réglait rien. Car Henri s’emploierait à reprendre son trône, et il n’était point disposé, lui, Édouard, à recommencer une « croisade » aussi terrible que celle dont pourtant il sortait vainqueur. Le meurtre de Lopez Orozco l’avait, en l’indignant, déparié de son acolyte. Il avait abrogé ce qui n’avait jamais été qu’une mésalliance dont il se repentait, bien qu’elle eût abouti à une victoire qui rehausserait sa renommée dans la Grande île en prouvant qu’il était digne de son père, et au-delà, chez les ennemis de l’Angleterre. Tristan se rassura : Pèdre ne l’avait vu qu’une fois, brièvement, à Séville, comme le truchement de Guesclin. Ils s’étaient montrés l’un et l’autre courtois, excepté, pour le roi déchu, quelques pincées d’insolence. Que craindre ? Presque tous les prisonniers d’un rang plus ou moins élevé s’étaient rendus à des gentilshommes présents derrière Édouard, et la règle chevaleresque exigeait qu’ils fussent traités sans rigueur corporelle.
    –  J’ai faim et soif, dit Paindorge. Juste un gobelet d’eau et un michon 339 de pain me seraient profitables… Avez-vous vu la plupart des Goddons ? Ils ont tous des guardia-ojos comme leurs chevaux.
    Une douzaine avaient un œil dissimulé sous une mouche. Cette œillère de cuir signifiait que l’homme qui la portait avait exprimé un vœu concernant une  gentilfame.
    Messires, dit Northbury, à Kadzand ou si vous préférez à l’Écluse où combattit mon père, les Franklins durent prendre les Anglais pour une armée de borgnes car la plupart des chevaliers avaient un œil clos pour le plus grand honneur d’une dame. Voyez, Chandos est borgne… mais il mettra sa mouche.
    Chandos quitta les rangs pour aller jusqu’à la table que des estuarts desservaient au grand déplaisir des oiseaux. Il chercha une chope de vin ou de cervoise contenant quelques gorgées et se réjouit d’en trouver une qu’il porta lentement à ses lèvres mais lampa d’un trait. Les regards des Anglais le suivaient comme s’il accomplissait une action héroïque. Il était l’objet de saluts respectueux de tous les hommes occupés à mettre la table au net. Grand, droit comme un vouge il était fier de ses cheveux blancs touffus et moutonnés. Son pas sûr, lent et calculé, n’avait d’autre nécessité que de faire tinter ses éperons d’or aux molettes taillées en soleils rayonnants. Il avait le profil d’un busard Glabre des joues et du menton, sa moustache blanchi tombait droit des commissures de ses lèvres jusqu’à ses maxillaires inférieurs. Avait-il été beau, jadis, comme Northbury l’affirmait ? Sans doute. Maintenant, sa face rubiconde où les cicatrices et les rides se confondaient, et son orbite dextre vidée de son œil, semblaient faire la nique au visage d’antan dont on avait dit, en France qu’il était le plus séduisant d’Angleterre. Mais que ne disait-on pas des chevaliers goddons ? En fait, Chandos était une espèce de dieu de la guerre. Héros de Crécy, Winchelsea, Poitiers, Auray, il allait pouvoir ajouter Nâjera à son palmaris. Borgne comme Hannibal et vain comme Scipion, il se paonnait devant ses pairs sans

Weitere Kostenlose Bücher