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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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compter sur toi ?
    –  Vous le pouvez, messire… Couzic vient de vous précéder. Atenciôn !
    *
    En arrêt tout à coup devant les deux Bretons, Tristan croisa les bras sur sa poitrine et feignit de s’intéresser à ce qui se passait, au-delà des gonfanoniers, au château de San Servando. Ainsi, en les rendant transparents, voire inexistants, pouvait-il exciter à son égard l’aversion des deux compères.
    –  Comme la vue serait belle, dit-il à voix basse, si elle n’était souillée par la proximité de l’aigle d’un ribaud qui, lorsqu’elle se déploie, profane les lis de France 52 .
    Les deux hampes tenues par des mains vigoureuses, gantées de brunette, remuèrent – indices d’un courroux pour l’instant contenu.
    –  Un ribaud !… On devrait interdire à certains loudiers (404) de se prendre pour des prud’hommes. Une aigle, ai-je dit ? Tout au plus un fauperdrieux (405)  !
    Seule, cette fois, la bannière à l’aigle oscilla dans le poing d’Orriz qui d’un regard consulta Le Karfec mal assuré sur ses jambes, et Couzic, indécis.
    « Après ce que je viens de dire, il faudra que je tue cet homme. Il ne faut pas qu’il rapporte mes propos à Guesclin ou c’en serait fait de moi ! »
    –  Comment le comte de la Marche a-t-il eu l’imprudence de confier son pennon à un malandrin comme ce huron ? demanda-t-il, comme fugitivement, à Couzic.
    Peut-être, cette enseigne signifiait-elle, tout bonnement, que Jean de Bourbon logeait à l’Alcâzar ou qu’on l’y pouvait joindre. Il avait fait confiance à Guesclin pour lui trouver un pennoncier. Dans une armée de truanderie telle que celle qui s’était répandue sur l’Espagne, les us et les coutumes ne pouvaient que tomber en décrépitude. Il convenait de titiller l’orgueil de Le Karfec, aussi rude, sans doute, que le granit de Bretagne.
    –  Je n’en crois pas mes yeux ! La bannière de monseigneur de Bourbon, un prud’homme alosé (406) s’il en est, dans des mains impies. Mais peut-être celui qui la porte a-t-il impétré l’honneur de la tenir… Je le verrais mieux pourvu d’un balai… Il en est un d’une espèce qui lui conviendrait à merveille. On le nomme un goret. Il sert à nettoyer la merde sur les nefs de haute mer… Un porc et un goret. Ah ! La belle alliance…
    –  Cesse tes bourdes, grommela Le Karfec. Je ne suis pas entalenté à les ouïr plus longtemps !
    Tristan exagéra l’effet de sa surprise :
    –  Tiens, il parle ! J’ignorais que les verrats avaient un langage.
    –  Cesse tes lobes, te dis-je !
    La fureur étouffait la voix de Le Karfec. Tristan se réjouit de sentir poindre en cet ennemi une hardiesse qui, boursouflée par des accès de fureur, l’inciterait à l’action.
    –  Passe ton chemin… Va-t’en, intima Le Karfec en s’approchant d’un pas.
    Le Breton se méfiait, cependant : il ne portait ni haubert ni cuirasse ni camail, mais un chaperon noir, des haut-de-chausses brunâtres et des heuses tellement poudrées aux farines des chemins qu’elles s’étaient comme imprégnées de grisaille. Le flotternel de tire-taine qui pendait sur le torse du drôle inspira une nouvelle saillie à Tristan :
    –  Chez cet homme, il n’y a que la cotte qui soit hardie (407) .
    –  Es-tu sourd ? s’enquit Orriz tout à coup. Faut-il te botter le cul pour que tu t’en ailles ?
    Sur le visage de celui-là frémissait une expression hésitante que le regard prompt de Tristan saisit au vol. L’instinct du guer rier s’éveilla en lui, nouant son souffle et augmentant les battements de son cœur. La tentation de dégainer préventivement le démangea de l’épaule dextre au bout des doigts, mais c’eût été commettre une erreur. Il fallait que l’assaut fût décidé par ces deux ignobles qui, maintenant, le menaçaient de la hampe de leurs enseignes.
    –  Un béhourd 53  !… Ce sont bien en effet des rustiques. Mais ils vont souiller l’aigle et les lis, et ceux qui les leur ont confiés en seront mécontents. Messire de Bourbon, surtout. Il n’est pas n’importe qui.
    Il raillait à outrance cependant que la malepeur commençait à lui ronger les sangs. Il vit avec plaisir les deux compères confier leur enseigne l’un à José, l’autre à Couzic comme empêtré de fureur, et décroisa ses bras pensant qu’il était temps.
    –  Qu’avez-vous fait des deux enfants que vous m’avez ravis ?… Pour me les enlever, vous m’avez tué des

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