Les Fils de France
aperçu le maréchal.
— Bienvenue à notre jeune maître ! se réjouit Montmorency dès qu’il fut à portée. Longue vie et prospérité à notre prince Henri, dauphin de Viennois et duc de Bretagne !
— Hourra ! s’égosilla la troupe alentour.
Décidément, l’accueil était enthousiaste. Même s’il voyait d’abord dans ce maréchal un ami de Diane et un soutien pour lui, Henri s’était attendu à recevoir, une fois de plus, les condoléances attristées et vaguement inquiètes de ce grand soldat légaliste. Au lieu de quoi il découvrait un Montmorency radieux, visiblement fier et heureux d’accueillir le nouvel héritier de la couronne de France. À la Cour, certains fâcheux n’auraient pas manqué de trouver douteuse une joie si clairement affichée.
— Aujourd’hui est un grand jour ! lança le maréchal en serrant Henri dans ses bras, sans façons. Je suis heureux de recevoir en ces lieux l’espoir vivant des Français.
Le dauphin, presque sonné d’un tel accueil, se demanda soudain si son ami n’exagérait pas.
— J’ai à vous présenter, dit-il, les salutations du roi mon père, de la reine et de ma tante, mais aussi – et c’était le seul but de ce préambule – les amitiés de Mme la grande sénéchale.
— Comment va-t-elle ? demanda Montmorency. Vous l’avez vue récemment ?
Il se trouva, dans la suite du dauphin, quelques jeunes seigneurs pour trouver que l’entrée en matière était déplacée ; on aurait dû, plutôt, évoquer peu ou prou la mort du dauphin François... Montmorency, cependant, se souciait de leur avis comme d’une guigne. Avec un entrain chaleureux et communicatif, il conduisait déjà « son » dauphin vers les lignes de retranchement établies en avant du camp.
Comme sa tante Marguerite, quelques semaines plus tôt, Henri s’extasia de la discipline et de la propreté qui régnaient dans l’immense camp.
— Je croirais voir le campement de Jules César ou de Scipion l’Africain, dit-il.
— Disons César, plaisanta Montmorency.
Et prenant le dauphin sur un ton de confidence qui donnait au jeune prince le sentiment – si rare pour lui – d’être considéré comme un adulte digne de confiance, il lui livra l’une des règles qui fondaient son action.
— C’est simple, j’ai trois grands principes. D’abord : l’ordre. Ensuite : l’ordre. Et enfin... Enfin ?
— L’ordre ! répondit pour lui le dauphin.
Ils rirent ensemble de bon cœur, et Henri se dit qu’il riait pour la première fois depuis ce funeste 10 août.
La nouvelle, partie d’Aubagne à midi et propagée jusqu’en Avignon à la vitesse d’un épervier, atteignit le camp de Montmorency aux heures les plus chaudes de l’après-dînée : Charles Quint, fatigué de courir après un ennemi invisible et incapable de nourrir plus longtemps des troupes affamées par l’impitoyable brûlis des Français, venait de lever le siège devant Marseille.
L’empereur se retirait ; il avait échoué dans sa nouvelle campagne contre le roi de France !
Par tout le camp, et jusque dans les retranchements éloignés, une clameur immense s’éleva. On vit les chapeaux voler dans les airs ; on entendit tirer les arquebuses – en dépit d’une interdiction formelle.
Au quartier général, le maréchal de Montmorency mit un point d’honneur à ne pas sombrer lui-même dans l’euphorie. Depuis des mois, il affirmait et répétait que sa stratégie était la bonne, et qu’elle aboutirait, tôt ou tard, au retrait de l’ennemi. Il n’allait pas, une fois accomplie sa prophétie, se donner le ridicule d’en paraître étonné.
— Ces choses-là sont comme écrites, expliqua-t-il au dauphin.
— Poursuivrons-nous les Impériaux ? demanda Henri.
— Pour les humilier, les acculer, rendre toute paix impossible ? Non ! J’ai accepté de renoncer au panache d’une bataille pour imposer ce retrait et cette pénible tactique de la terre brûlée ; je ne vais pas, au moment où mes visées se révèlent payantes, changer mon fusil d’épaule et me mettre à courir après des vaincus !
Le dauphin ne dit rien, mais Montmorency sentit bien qu’il n’avait pas emporté toute sa conviction.
— La campagne que nous venons de mener n’était pas une affaire de chevaliers, précisa-t-il. Du reste on voit où la chevalerie nous a conduits jadis : Crécy, Poitiers, Azincourt et, finalement Pavie...
— Certes... concéda timidement le plus grand
Weitere Kostenlose Bücher