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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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Jamie, je suis navrée.
    Il rouvrit les yeux, me sourit et exerça une pression sur mon postérieur.
    — Bah, c’est pas grave.
    Ses pupilles avaient commencé à rétrécir. Ses yeux étaient aussi insondables que la mer.
    — Dis-moi, Sassenach … Si quelqu’un t’amenait un homme et te disait que, si tu te tranchais le doigt, cet homme vivrait et que si tu refusais, il mourrait. Tu le ferais ?
    — Je… je ne sais pas, répondis-je, prise de court. Si je n’avais pas d’autre choix et que l’homme en question était bon… oui, je suppose que je le ferais. Ça ne me plairait pas mais… oui.
    Il esquissa un sourire. Son expression était de plus en plus douce et rêveuse. Quelques instants plus tard, il reprit :
    — Tu sais qu’un colonel est venu me trouver pendant que tu soignais les malades ? Le colonel Johnson, Micah Johnson.
    — Non. Que voulait-il ?
    Sa main sur ma fesse se relâchait. Je plaquai la mienne sur la sienne pour la retenir.
    — C’est sa compagnie qui a essuyé le gros des combats. Elle faisait partie des troupes de Morgan, embusquée de l’autre côté de la colline, sur la route des Britanniques. Si la charge s’était poursuivie, les hommes de Johnson auraient tous été tués et Dieu seul sait ce qui serait arrivé aux autres.
    Son élocution se faisait laborieuse. Il gardait les yeux fixés sur ma jupe.
    — Tu leur as donc sauvé la vie, dis-je doucement. Combien d’hommes y a-t-il dans une compagnie ?
    — Cinquante. Ils n’auraient peut-être pas tous été tués.
    Sa main glissa et je la rattrapai. Je sentais son souffle chaud à travers mes jupons.
    — Ça m’a fait penser à ce passage de la Bible, dit-il.
    — Ah oui ? Lequel ?
    — Quand Abraham négocie avec l’Eternel pour sauver les Villes de la Plaine. Il lui dit : « Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ; les ferais-tu donc périr et ne pardonnerais-tu pas à ce lieu à cause de ces cinquante justes qui s’y trouveraient ? » Puis il marchande avec Dieu, de cinquante, il passe à quarante-cinq, puis à trente, puis à vingt, puis à dix.
    Ses paupières étaient mi-closes, sa voix paisible et détachée.
    — Je n’ai pas eu le temps de me renseigner sur la valeur morale des hommes de cette compagnie. Mais tu ne penses pas qu’elle devait compter au moins dix justes, dix hommes bons ?
    — Certainement.
    — Ou cinq. Ou même un. Un seul suffirait.
    — Je suis sûre qu’il y en avait au moins un.
    — Ce garçon au visage poupin qui s’est occupé des blessés avec toi… c’en est un ?
    — Oui, absolument.
    Il poussa un profond soupir.
    — Alors, dis-lui que je ne lui en veux pas pour mon doigt.
    Je tins sa main valide encore pendant une minute. Il respirait lentement et profondément. Puis je déposai sa main sur sa poitrine.
    — Ordure, murmurai-je. Je savais bien que tu me ferais pleurer.
     
    Le camp était tranquille, bénéficiant de ces derniers moments de paix avant le lever du soleil et le réveil des soldats. De temps à autre, j’entendais l’appel de la sentinelle ou les murmures de deux fourrageurs passant près de ma tente en route vers la forêt. Les feux n’étaient plus que des braises mais j’avais allumé trois lanternes et les avais disposées de sorte qu’elles ne projettent aucune ombre.
    Une planchette en pin sur mes genoux faisait office de plan de travail. Jamie était étendu sur le ventre, le visage tourné versmoi afin que je puisse surveiller la couleur de son teint. Il était profondément endormi et ne sourcilla même pas quand j’enfonçai la pointe acérée d’une sonde dans le dos de sa main. Tout était prêt.
    Sa main était enflée et décolorée, la plaie formant une épaisse ligne noire sur la peau dorée. Je fermai les yeux un moment et, tenant son poignet, comptai son pouls. Un et deux et trois et quatre…
    Il était rare que je prie de façon consciente avant une opération mais je cherchais quelque chose… quelque chose que je n’aurais su décrire mais que je reconnaissais toujours : une certaine paix intérieure, un détachement de l’esprit qui m’offrait un équilibre sur cette ligne ténue qui séparait le caractère impitoyable de ce que m’apprêtais à faire et la compassion pour ce corps à ma merci, un corps que je pouvais détruire en voulant le soigner.
    Un et deux et trois et quatre…
    Je m’aperçus que mon propre rythme cardiaque avait ralenti lui aussi. Le pouls au bout de mes doigts s’était

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