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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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luisaient comme l’herbe au matin. Et les hommes, l’arc au poing, deux carquois sur l’épaule, gagnaient leur place de bataille, silencieux et résignés. Seules Guillemette et Bertine manquaient. « Si ça se trouve, ces deux goulues, excitées comme elles l’étaient, n’échangent plus des coups, mais se consolent ! » Allons, il exagérait. Il marcha vers les écuries.
    — Seuls, vous risquez gros ! dit Lesaunier.
    Ogier se recueillit un instant. Quelle suite d’événements !… Non, pas une suite, mais un torrent. Le Destin ne lui accordait aucun répit. Blainville se fût-il dressé soudain devant lui qu’il n’en eût guère été troublé.
    — Pourvu qu’ils épargnent Gerbold !
    — J’en doute, Père… Voilà Thierry et Marchegai.
    Aude se précipita au-devant de l’écuyer :
    — Surtout gardez-vous bien, messire ! Ils sont cruels !
    Elle lui donnait du messire.
    —  Pas tant que les Goddons, damoiselle Aude. Et puis, dites-vous qu’avec votre frère, je ne crains rien.
    Ogier s’aperçut qu’il était trempé. « Ces deux filles, là-haut ! Si seulement cette nuit avait été comme les autres, j’en serais sorti las et repu, tandis que ce qui se prépare… » Il n’acheva pas sa pensée : Bressolles apparaissait, portant Confiance :
    — Tenez, Ogier. Qu’elle vous protège et que Dieu vous garde.
    Par coutume, le garçon leva les yeux au ciel. Une chemise blanche semblait fleurir les chanceaux de la Tour de la Fée :
    Adelis.
    — Dieu vous préserve tous ! Baissez le pont, Père… Thierry, en selle !
     
    *
     
    Ils avaient galopé pendant une demi-lieue. Maintenant, à cent toises de l’ermitage, ils allaient au pas, entre des haies et des levées touffues, l’épée nue reposant à plat sur l’épaule. Devant, deux gros arbres à demi émondés semblaient serrer entre leurs branches courbes, une ogive de ciel flamboyant.
    Précédant Thierry, Ogier scrutait les fondaisons basses et les fourrés : quelques malandrins embûchés pouvaient apparaître, le vouge, la guisarme ou le fauchard au poing. Il avait aisément retrouvé ce chemin. Naguère, il rendait de fréquentes visites à Gerbold. Il lui devait de savoir écrire et de parler latin mieux que certains clercs.
    — Comment est-il, messire ?
    — Il était grand et clair comme un chêne en hiver.
    Ogier se morigéna aussitôt : pourquoi était  ? Le vieillard vivait. Il fallait qu’il vécût pour qu’il le vît enfin, lui, son élève, en sa maturité ! Il ajouta :
    — Un Diogène… si tu sais, Thierry, qui fut cet homme. Gerbold élevait des coulons. Le toit de son châtelet en était couvert.
    Il se tut, évoquant la tour pointue flanquée d’une échauguette semblable à une verrue sur ce grand cou de pierre. La jouxtant, il y avait un bâtiment voûté d’ogives qu’un plancher séparait en deux étages : la cuisine et la chambre. Quant à la cave, nul n’y avait accès, et c’était pourquoi l’on prétendait que Gerbold s’y livrait au grand œuvre. Non, rien n’avait changé en ces lieux, sauf ce ciel sanglant et la suffocante odeur du brasier.
    — Pied à terre, Thierry. Tenons fermement nos chevaux !
    Ils avancèrent. L’ermitage apparut, craquant, fumeux, grondant. Ogier eut la vision d’un dragon mortellement atteint, crachant par sa haute gueule un fiel écarlate et répandant un sang bouillonnant par ses plaies – les embrasures des fenêtres. Tavelé de squames flamboyantes, le portail entrouvert laissait apercevoir des viscères cramoisis, mugissants, crépitants. Des tisons volaient au-delà du parvis et chuintaient en touchant l’herbe.
    — Les malfaisants ! Que Dieu châtre ces linfars !
    Méfiant, irrésolu, Ogier sentait son esprit s’enténébrer comme les murs calcinés. Il étouffait et toussait, la gorge embrasée par les volutes corrosives. Les yeux empoussiérés, picotants, il essaya de discerner ce qui se passait à l’entour. Déçu, il n’entrevit qu’un fatras incandescent, un brouillard pourpre et gris et, au-delà, les plumails noirs des arbres saupoudrés d’un rouge qui ne devait rien à l’automne.
    — Si Gerbold, Thierry, est demeuré là-dedans…
    Eh bien, oui, il se trouvait réduit en cendres. Mais peut-être avait-il pressenti le péril. Peut-être avait-il fui et s’était-il caché. Peut-être assistait-il, impuissant et désespéré, à cette dévastation en forme d’apothéose et les prenait-il, Champartel

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